L’effet Pygmalion des chercheurs sur leurs résultats

Essais cliniques

Biologiste infos

PARIS, 19 novembre 2012 – Comment les essais thérapeutiques sont-ils retranscrits dans les médias généralistes ? Leurs bénéfices sont-ils surestimés ? Une étude s’est penchée sur la médiatisation des avancées cliniques, et met en avant le rôle prédominant des chercheurs dans la survalorisation des résultats qu’ils obtiennent.

 

Communiquer les résultats d’une étude clinique est un sujet doublement sensible. Il faut veiller à ne pas susciter de faux espoirs auprès des malades et présenter les retombées médicales de façon critique, avec les précautions statistiques qui s’imposent. Dans le même temps, la tentation de valoriser les travaux de son équipe est toujours prégnante, alors que l’obtention de financements dépend en partie d’autres statistiques, relatives au nombre et à la qualité des publications scientifiques des chercheurs.

 

Des médecins de plusieurs hôpitaux franciliens (Hôtel Dieu à Paris, Foch à Suresnes et Beaujon à Clichy) ont analysé le retentissement des essais randomisés contrôlés (ERC), considérés comme les études médicales de plus grande valeur scientifique car limitant les biais, dans la presse grand public. Le passage de la presse académique à l’opinion publique s’accompagne-t-il d’un biais valorisant démesurément les bénéfices des thérapies ?

 

Quel bénéfice perçu par quel média ?

L’étude s’est basée sur 498 communiqués de presse publiés sur la base de données internationale Eurekalert! Les médecins français ont conservé 70 études publiées, écartant, entre autres, les recherches fondamentales, les essais sur les modèles animaux ou ceux suivant d’autres protocoles. Parmi eux, 41 ont eu un écho dans la presse généraliste.

 

Pour chaque ERC sélectionné, les chercheurs ont évalué le bénéfice tiré de l’essai tel que présenté aux trois étapes de diffusion (publication scientifique, communiqué de presse et article de presse), sur une échelle de 1 à 5. Ainsi, 38 publications présentaient des résultats jugés bénéfiques (1 ou 2 sur 5), contre 18 qui apparaissaient neutres (note égal à 3) et 14 qui n’apporteraient aucun bénéfice par rapport aux thérapies existantes (note supérieure à 4). Au regard des communiqués de presse, les résultats tirés des ERC apparaissent sous un meilleur jour : 55 essais (soit 79 %) aboutiraient à des conclusions positives. Au total, les chercheurs français estiment que 22 des 70 communiqués mésinterprètent les résultats, dans un sens ou l’autre.

 

Les chercheurs, premiers à surestimer les résultats

D’où provient cette surévaluation des bénéfices ? Il apparaît qu’un biais positif (appelé spin par les auteurs) est présent dans 40 % des résumés de publications. Il peut s’agir de taire que des résultats n’étaient pas statistiquement significatifs dans la moitié des cas, d’extrapolations abusives ou encore de comparaisons faites au sein d’un même groupe. Ainsi, sur 17 résumés biaisés analysés plus en détail, ce travers positif se retrouve dans 16 communiqués de presse et la totalité des articles généralistes correspondants. À l’opposé, lorsque le biais est absent du résumé initial, il n’apparaît que dans seulement un article de presse sur six.

 

Conclusion : si la presse tend à sur-vendre les résultats des essais thérapeutiques, c’est en grande partie du fait de la tendance des médecins et des chercheurs eux-mêmes à surévaluer les bénéfices de leurs études dans le résumé des publications scientifiques. Le monde académique ne vit pas dans une « bulle », et il tient compte de la façon dont ses travaux sont perçus à l’extérieur, ayant ainsi parfois tendance à les présenter sous un jour un peu trop favorable. Ainsi, une étude a mis en évidence le lien entre une couverture d’une publication scientifique par le New York Times et le nombre de citations par d’autres études, montrant l’importance des médias grand public pour la diffusion des progrès médicaux. À cela s’ajoute aussi le fait que la presse généraliste peut parfois évoquer de façon aveugle des résultats publiés dans les revues scientifiques les plus prestigieuses, par manque de recul ou d’expertise dans le domaine.

Pour corriger ce biais, les médecins français concluent que « les comités de lecture et les éditeurs ont un rôle important à jouer dans la dissémination des résultats scientifiques. Ils devraient être particulièrement attentifs et s’assurer que les conclusions rapportées reflètent de façon appropriée les résultats des essais et ne les mésinterprètent pas. »

 

Crédit photo : Sergey Yarochkin – Fotolia.com

Guillaume Frasca

 

Source : Yavchitz A et al. Misrepresentation of randomized controlled trials in press releases and news coverage : A cohort study. PloS Medicine. Publié en ligne le 11 septembre 2012.