Enseignement
PARIS, 28 février 2013 – La dénonciation des excès diagnostiques et de leurs corollaires, les excès thérapeutiques, a pour épicentre le Dartmouth College, une structure atypique d’enseignement et de recherche, de 2 000 étudiants classée au 113e rang mondial, derrière Normale Sup Paris (34e) et Polytechnique (41e) mais devant toutes les autres institutions universitaires françaises.
Fondé en 1769 dans le New Hampshire pour assurer l’éducation des jeunes indiens, le Dartmouth College poursuit une activité d’enseignements pré-universitaires avec des formations de quatre ans au sein de nombreux « Undergraduate Departments ». Sur le campus, la « Geisel School of Medicine » créée en1797 est la quatrième plus ancienne faculté de médecine des Etats-Unis. Elle a donné naissance, il y a une trentaine d’année, au « Dartmouth Institute for Health Policy & Clinical Practice » où est dispensé un enseignement associant santé publique et pratique clinique. Les autorités de la Geisel School of Medicine ont compris la nécessité d’informer leurs étudiants sur les qualités – et les défauts – des hôpitaux susceptibles de les accueillir pour effectuer leur « Residency ». Ceci a aussi amené les responsables de Dartmouth à prendre conscience de la diversité des pratiques médicales au sein des hôpitaux nord-américains et d’en étudier les caractéristiques en posant des questions auxquelles personne n’avait pensé jusque là.
C’est ainsi qu’a été créé, il y a plus de vingt ans, le « Dartmouth Atlas Project » qui est au centre de la politique de Santé du Président Barack Obama, et qui est l’objet de controverses passionnées aux Etats-Unis. Le Dartmouth College a aussi créé cette année un Master of Science en Health Care Delivery destiné aux professionnels de Santé Publique. La première promotion comprenait 45 personnes, âgées de 30 à 60 ans, d’origine et d’horizon professionnel divers qui ont reçu leur diplôme le 19 janvier dernier.
Parmi les enseignants-chercheurs fortement impliqués dans la problématique de l’excès diagnostique, il faut citer en priorité Gilbert Welch. Auteur de publications dans des revues de haut niveau, il a eu, néanmoins, le souci d’exprimer ses vues dans des livres accessibles au grand public.
En témoigne son premier écrit en 2002, lors de son séjour au Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) à Lyon dont le titre est parfaitement explicite : « Dois-je me faire dépister pour le cancer ? Peut être pas et voici pourquoi. » En 2011, il publie un second ouvrage au titre tout aussi percutant : « Le surdiagnostic : rendre les gens malades par la poursuite de la santé. » Elliot Fisher et Jonathan Skinner sont également deux piliers du « Dartmouth Atlas Project », assurant l’élimination des dépenses de santé inutiles – de l’ordre de 700 milliards de dollars -, nuisibles aux patients. On rejoint ici les convictions de Gilbert Welch.
Autre personnage à évoquer, Jim Yong Kim, l’actuel président de la Banque mondiale, organisme partenaire du Fond monétaire international. Fonctionnaire de l’OMS et spécialiste du sida, il a occupé la présidence de Dartmouth et a conforté l’institution dans sa recherche de l’optimisation des coûts de santé. Pour compléter cette galerie de portraits, il faut citer Anita Arora et Alicia True, étudiantes en fin d’études de médecine, coordinatrices et co-auteures du plus récent chapitre du « Dartmouth Atlas Project » dont le sujet est l’étude de la qualité et de l’efficacité des soins en fin de vie.
Pierre Carayon, Docteur en Médecine et Docteur ès Sciences, Professeur de Biochimie et Biologie Moléculaire, Faculté de Médecine, Aix-Marseille Université.
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