Dépistage précoce
Paris, le 22 mai 2013 – Aux Etats-Unis, des programmes de dépistage de l’infection par le VIH dans les services d’urgences ont été mis en place depuis 2003. Ce modèle est-il transposable en France ?
La 4ème Journée des biomarqueurs, qui s’est déroulée le 17 mai 2013 à la Pitié Salpêtrière, a été l’occasion pour le Pr Enrique Casalino (SAU Bichat-SAU Beaujon-SMUR Beaujon) d’argumenter en faveur d’un dépistage généralisé du VIH aux urgences, et pour le Pr Françoise Carpentier (CHU Grenoble), de le remettre largement en question.
Le Pr Casalino, défenseur du dépistage, estime, chiffres à l’appui pour un service d’accueil des urgences (SAU) tel que celui de l’hôpital Bichat (Paris), que la mise en place d’un tel programme est envisageable sans personnel supplémentaire, et qu’il permettrait même de dynamiser l’équipe soignante sans impacter les indicateurs de qualité du SAU . Il s’est cependant montré réservé quant au ciblage de la population à dépister (ciblage basé sur l’origine ethnique et les pratiques sexuelles, très utilisé aux Etats-Unis) en soulignant la difficulté à définir des critères de sélection en France, et a prôné un dépistage généralisé. Côté rapport coût/efficacité, le dépistage est économiquement rentable dès lors que la prévalence est supérieure à 0,1, ce qui est le cas en France. Enfin, il a protesté contre le frein principal souvent évoqué, à savoir le temps nécessaire pour questionner et conseiller le patient avant et après le test, affirmant qu’il constitue une simple idée reçue, et que les conseils prodigués peuvent être beaucoup plus « light » et donc moins consommateurs de temps, une denrée toujours précieuse aux urgences.
Du côté des “contre”, pris en charge par le Pr Carpentier, on retrouve la disparité géographique des patients à risque : en 2008, 50 % des cas de séropositivité en France résidaient en Île-de-France. La fréquentation des SAU a également été mise en cause : les SAU français ne rencontrent que 25 % de la population française. Les généralistes et les associations communautaires auraient donc un rôle à jouer dans le dépistage avant que les urgences soient mises à contribution. Enfin, les limites des TROD ont été évoquées en tant que frein à ce dépistage rapide : fenêtre de primo-infection non détectée, existence de différentes souches du virus (seule la souche 1 est testée), manque de traçabilité, problème du circuit des déchets infectieux, subjectivité de la lecture du résultat, auxquels s’ajoute le coût, qui augmente dès lors que l’on prend en compte la formation nécessaire du personnel.
Au final, quand il s’agit de dresser la liste des “pour” et des “contre” la mise en place d’un dépistage rapide du VIH aux urgences, les “pour” s’articulent surtout autour d’arguments de faisabilité, d’efficacité, de nécessité et de rentabilité. Les freins quant à eux, relèvent essentiellement de problématiques socio-économiques.
Camille Aulas
Crédit photo : © CHU DIJON