Des résultats prometteurs du vaccin contre le paludisme de la société Sanaria
Ces résultats ont été publiés dans l’édition en ligne du Journal Science, à la date du 8 août 2013.
Le paludisme est une maladie parasitaire qui fait 600 000 morts par an dont une majorité en Afrique subsaharienne. Le vaccin, fabriqué à partir d’un grand nombre de parasites affaiblis responsables du paludisme (des sporozoïtes de l’espèce Plasmodium falciparum) et transmis par la femelle du moustique Anophèle, a été administré en intraveineuse sur 40 personnes âgées de 18 à 45 ans, à raison de 4 à 6 injections par personne. Dix-sept personnes n’ayant pas reçu de vaccin ont servi de témoins.
Après vaccination, les participants ont été suivis six jours. Des prélèvements sanguins ont été effectués chez tous les participants. Les chercheurs ont détecté davantage d’anticorps contre le Plasmodium et de cellules lymphocytaires T dans le sang des personnes ayant reçu les doses les plus importantes de vaccin.
Afin d’évaluer l’efficacité du vaccin, tous les participants – le groupe témoin inclus – ont été soumis aux morsures de cinq moustiques porteurs du Plasmodium falsiparum, appartenant à l’espèce à partir de laquelle le vaccin a été développé. Trois semaines après la dernière injection du vaccin, les participants ont été soumis à une procédure de contrôle standard, afin de déterminer s’ils avaient été infectés par le parasite ou non.
Les chercheurs ont trouvé une corrélation positive entre les dosages les plus élevés du vaccin PfSPZ et la protection contre le paludisme. Trois des 15 participants ayant reçu les plus fortes doses de vaccin ont été infectés, comparés aux 16 des 17 participants ayant reçu une faible dose de vaccin et 11 des 12 participants du groupe témoin.
Premiers pas vers l’élimination du paludisme ?
« Bien que nous soyons encore aux premiers stades du développement, nous pensons que ce vaccin permettra d’éliminer le paludisme », a estimé Stephen Hoffman, PDG de Sanaria, le laboratoire qui a développé ce vaccin avec des financements de l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAD), le Naval Medical Center et d’autres organismes aux Etats-Unis, en Europe et en Afrique. « Les scientifiques s’efforcent de produire un vaccin anti-paludéen depuis 30 ans et maintenant ces résultats montrent que nous avons un vaccin sûr, injectable et qui peut sauver des millions de vies », a déclaré Stephen Hoffman à l’AFP.
Tout en soulignant le niveau sans précédent de protection de ce vaccin, le Dr Anthony Fauci, directeur du NIAD s’est toutefois montré prudent en raison du petit nombre de personnes concernées. « Le taux de protection est impressionnant mais le nombre de sujets est relativement faible », a-t-il déclaré à l’AFP.
Sans compter qu’il faut aussi « démontrer que cette immunisation est durable et qu’elle est efficace contre les multiples variantes du plasmodium », a-t-il ajouté. A cette fin, l’équipe de chercheurs va bientôt entreprendre plusieurs petits essais cliniques en Afrique, en Allemagne et aux Etats-Unis. Ils testeront également différentes fréquences de vaccination avec l’objectif d’obtenir une protection de 100 % avec moins de cinq doses du vaccin.
Des freins demeurent dans la production de ce vaccin
Le Dr Fauci note en outre que la production à grande échelle de ce vaccin pourrait être coûteuse et problématique. Sanaria devra accélérer le processus d’extraction des parasites des glandes salivaires des moustiques qui aujourd’hui mobilise déjà 12 à 15 techniciens capables de disséquer environ 150 de ces insectes par heure. Sanaria travaille déjà avec l’école d’ingénierie de l’Université Harvard pour automatiser ce processus.
Autre difficulté, le vaccin doit être conservé dans de l’azote liquide ce qui pourrait poser problème dans les pays en développement.
Enfin, faire des injections à des nourrissons dont les veines sont difficiles à trouver pourrait compliquer une campagne de vaccination à grande échelle, selon des chercheurs. Bien que des études précédentes aient montré l’inefficacité de faibles doses de vaccins injectées dans ou sous la peau, les chercheurs travaillent quand même à l’évaluation des administrations intradermales et sous-cutanées de la dose la plus élevée du vaccin, qui faciliterait la prise de celui-ci chez les nouveau-nés.
Le vaccin anti-paludéen le plus avancé aujourd’hui, appelé « RTS, S », a été développé par l’ONG PATH, le laboratoire pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline et la fondation Gates. Il a fait l’objet d’un essai clinique de phase 3, dont les résultats ont été publiés en 2012, dernière étape avant un potentiel feu vert pour la commercialisation. Mais ce vaccin n’a permis de protéger que 31 % des nourrissons et 56 % des enfants un peu plus âgés.
Science DOI: 10.1126/science.1241800, publication en ligne du 8 août 2013