Les performances des tests de dépistage de la trisomie 21 fœtale par analyse de l’ADN libre circulant
Il faudra cependant attendre le second volet du rapport pour définir précisément la place de ces tests dans la stratégie de dépistage de la trisomie 21 en France.
Le principal facteur de risque de T21 est l’âge maternel au moment de la fécondation. Les femmes âgées de 35 ans et plus au moment de l’accouchement ont un risque plus élevé de donner naissance à un enfant porteur d’une anomalie chromosomique13 comme la T21, le risque augmentant avec l’âge. Ainsi, le risque a été estimé à 1/1 500 naissances à 20 ans, 1/900 naissances à 30 ans, 1/350 naissances à 35 ans, 1/250 à 38 ans et 1/100 naissances à 40 ans.
Dans son premier volet, la HAS a recensé, en 2015, 10 tests DPNI présents sur le marché international, dont certains marqués CE conformément aux exigences réglementaires de la directive 98/79/CE relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Leur utilisation en dépistage prénatal de la T21 n’est à ce jour pas validée et n’est pas prise en charge par l’assurance maladie. « Les laboratoires qui proposent en France aux femmes enceintes les tests DPNI de la T21 en parallèle au dépistage combiné, utilisent des tests non marqués CE, dont ils ont fixé les indications (données non publiées de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) », souligne-t-elle.
Descriptif des tests de DPNI
L’ADN fœtal qui est libéré dans la circulation sanguine maternelle est détectable dès la 5ème-6 ème SA et représente environ 10 % de l’ADN total en libre circulation dans le sang maternel.
L’ADN libre (cfDNA ou cell-free DNA) circulant est composé d’un mélange d’ADN maternel et fœtal. La part fœtale de cet ADN ou fraction fœtale varie avec l’âge gestationnel, la technique de dosage utilisée, l’indice de masse corporelle (IMC) de la mère Il a été montré que la proportion relative d’ADN fœtal et maternel libre était en grande partie constante pour l’ensemble du génome.
L’objectif des tests DPNI de la T21 n’est pas d’analyser le génome du fœtus mais de rechercher dans l’ADN libre en circulation dans le sang maternel une surreprésentation éventuelle du nombre de copies du chromosome 21 (sans différenciation des fractions fœtales et maternelles).
Les tests DPNI reposent sur l’une des approches suivantes : • une approche globale, dite pangénomique, au cours de laquelle l’intégralité du génome sera analysée. On parle de séquençage massif parallèle d’ADN (Massively-Parallel Sequencing ou MPS) ; • une approche dite ciblée qui consiste à analyser des séquences spécifiques du chromosome 21.
Tests de DPNI disponibles sur le marché
La liste des tests DPNI disponibles sur le marché international en 2015 est présentée ci-après. Plusieurs de ces tests sont marqués CE conformément aux exigences réglementaires de la directive 98/79/CE relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, d’autres n’ont pas le marquage CE.
– Tests DPNI recensés en 2015 utilisant la méthode de séquençage aléatoire sur l`intégralité du génome (whole genome shotgun sequencing) ou MPS (massively parallel sequencing) :
• Verifi (laboratoire Verinata Health) ; • MaterniT21Plus (laboratoire Sequenom) ; • Tranquility (marqué CE-IVD, laboratoire Esperite) ; • Praena test (marqué CE-IVD, laboratoire Lifecodexx) ; • NIFTY (laboratoire BGI) ; • informaSeq (laboratoire LabCorp) ; • Prendia EXPERT (marqué CE-IVD, laboratoire Genesupport).
– Tests DPNI utilisant la méthode de séquençage ciblé :
• Panorama (laboratoire Natera) ; • Harmony prenatal test (marqué CE-IVD, laboratoire Ariosa Diagnostics) ; • Prendia START (marqué CE-IVD, laboratoire Genesupport).
Perspectives
Quatre projets, deux français et un canadien, ayant pour objet d’évaluer la mise en situation réelle d’une stratégie de dépistage intégrant les tests DPNI, sont en cours.
• Le projet STIC (Soutien aux Techniques Innovantes et Coûteuses) SAFE 21, coordonné par l’équipe du Pr Salomon à l’hôpital Necker-Enfants Malades, est une étude nationale multicentrique (69 centres en France) randomisée qui a pour objet d’évaluer l’utilisation des tests DPNI chez les femmes enceintes à haut risque de T21 (défini par un seuil de risque au test combiné de > 1/250). Le but de l’étude est d’évaluer l’impact du DPNI sur le nombre de prélèvements invasifs et leurs complications (le projet prévoit cependant qu’un prélèvement invasif sera proposé en cas d’échec technique ou chez les femmes ayant un DPNI négatif mais qui ne seront pas rassurées ou en cas d’anomalie échographique fœtale dé- couverte en cours de suivi, ou chez les femmes non éligibles d’emblée du fait de particularités de la mesure de la clarté nucale ou des marqueurs sanguins). Le projet prévoit également : 1) d’analyser, par l’intermédiaire de questionnaire médico-psycho-sociaux dédiés, les préférences des femmes, entre un prélèvement invasif apportant une certitude au prix d’un très faible risque de fausse couche et un DPNI ; 2) d’évaluer l’effet de l’absence d’information sur le caryotype du fœtus (donc des potentielles autres anomalies chromosomiques fœtales) ; 3) d’évaluer l’impact économique de l’intégration des tests DPNI dans la stratégie de dépistage de la T21 ; 4) d’évaluer l’impact de l’introduction des tests DPNI sur les pratiques médicales prénatales.
• Le projet DEPOSA, coordonné par le Pr A Benachi à l’hôpital Antoine Béclère, (promoteur AP-HP dans le cadre d’un partenariat de recherche AP-HP/CERBA) est une étude prospective interventionnelle multicentrique qui a pour objet d’évaluer l’utilisation d’un test DPNI réalisé en même temps que la procédure de dépistage de routine par les marqueurs sériques. Deux populations à bas risque seront étudiées dont une population de femmes ayant bénéficié d’une procédure d’assistance médicalisée à la procréation. Ce projet permettra : 1) l’évaluation des performances du test dans ces populations ; 2) l’analyse du choix des femmes enceintes en fonction des résultats des deux tests et de leur contexte procréatif ; 3) l’évaluation de l’acceptation de la non réalisation d’un caryotype et de du risque de passer à côté d’une anomalie chromosomique autre que T21, 18 et 13 ; 4) d’estimer le nombre de prélèvements évités par l’utilisation du DPNI et le nombre d’échographies supplémentaires (> 3) générées par cette nouvelle modalité de prise en charge ; 5) de proposer une conduite à tenir en cas de valeurs extrêmes du dépistage par les marqueurs sériques.
• Le projet PEGASE (Personnalisation par la Génomique du dépistage des Aneuploïdies dans le Sang maternel) est une étude canadienne multicentrique sur l’intégration des tests DPNI dans le dépistage de la T21 chez les femmes enceintes (entre 10 et 23 semaines de grossesse) considérées à haut risque sur l’un des critères suivants: âge ≥ 40 ans à l’accouchement, dépistage « standard » positif, anomalie fœtale à l’échographie, antécé- dent de grossesse avec un fœtus T21, mère ou père porteur d’une translocation sur le chromosome 21. Les objectifs de cette étude sont les suivants : 1) comparer en situation de dépistage réel les différentes méthodes de tests DPNI ; 2) évaluer le rapport coût-efficacité des algorithmes des tests DPNI ; 3) analyser les problématiques éthiques, juridiques et sociales liées à l’introduction des tests DPNI ; 4) développer des outils d’aide à la décision destinés aux couples et des outils de formation pour les médecins.
• Une étude du NHS (National Health Service) dont le protocole a été publié en 2014 a pour objet d’évaluer l’intégration des tests DPNI dans le programme de dépistage de la trisomie 21 au Royaume-Uni (130). Les tests DPNI seront proposés en 2nde ligne chez les femmes enceintes ayant un niveau de risque de T21 intermédiaire (compris entre 1/1000 et 1/151) ainsi qu’aux femmes ayant un risque élevé (risque >1/150). Dans le cadre de cette étude il est prévu de faire une évaluation économique de la stratégie de dépistage, de l’acceptation et de la préférence des femmes.
Source : Rapport HAS sur la performance des tests génétiques non invasifs dans le dépistage de la trisomie 21, volet 1