Sidep : un projet évolutif pendant et après la Covid-19
Le projet Sidep (Système d’information national de dépistage populationnel) est une plate-forme lancée le 13 mai 2020 pour collecter l’ensemble des résultats d’examens de recherche du SARS-CoV2 afin, d’une part, de réaliser un « tracing » des patients positifs à la Covid-19 et, d’autre part, de permettre à Santé publique France de produire quotidiennement des indicateurs territorialisés de suivi de l’épidémie. Cette plate-forme a été pensée dès le mois d’avril, alors que plusieurs CHU avaient pour mission de réaliser des prélèvements dans des établissements médico- sociaux. « Ils se sont demandé comment gérer la partie préanalytique des examens de biologie médicale et ont eu l’idée qu’un outil commun serait intéressant », a expliqué Raphaël Beaufret, membre du groupe de travail Sidep et directeur de projets à la Délégation du numérique en santé (DNS) lors des Visio JFBM (Journées francophones de biologie médicale) courant décembre 2020.
Au même moment, Santé publique France travaillait à l’élargissement du réseau 3-labos dans l’objectif de renforcer son exhaustivité en matière de surveillance de la Covid-19.
À l’approche du déconfinement, et alors que la stratégie de « contact tracing » se met en place, l’idée évolue et passe d’un outil préanalytique pour les CHU à un outil de collecte des résultats des tests RT-PCR de l’ensemble des laboratoires de France.
Un SI totalement inédit créé en partant de zéro
Tout va alors très vite. Le projet est pris en main par la Direction générale de la santé. Sous la maîtrise d’œuvre de l’AP-HP, un groupe de travail constitué de représentants de la biologie médicale, d’éditeurs de logiciels et de Santé publique France se réunit « trois fois par jour, week-ends inclus » pour tenter de relever un défi : regrouper l’ensemble des résultats d’examens avant le déconfinement.
Pari gagné puisque Sidep sera opérationnel début mai et lancé officiellement le 13 mai, après une semaine de vérification de ses premières remontées. « Jamais en France nous n’avions posé le principe d’un système visant à recueillir l’ensemble des résultats de laboratoires pour la surveillance d’une pathologie donnée ; nous avons donc dû construire ce nouveau SI en partant quasiment de zéro », souligne Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses à Santé publique France.
Des difficultés à surmonter mais une adhésion forte
Dans un projet d’informatique en santé, le premier challenge est bien souvent d’entraîner les acteurs. Pas cette fois. « Nous étions en pleine crise sanitaire, donc tout le monde voulait contribuer au projet », explique Bruno Coignard. Bruno Gauthier, biologiste et trésorier de la Société française d’informatique de laboratoire (SFIL), a ajouté que les biologistes ont été d’autant plus facilement convaincus qu’ils « croulaient sous les demandes des agences régionales de santé, qui nous demandaient de remonter les données, à chaque fois sous des formats différents ».
Pour autant, « si l’adhésion des acteurs était acquise d’avance, il nous a fallu trouver un équilibre adéquat entre le jeu de données idéal et ce que l’on pouvait raisonnablement leur demander », témoigne Bruno Coignard. Sidep a donc été limité aux données présentes dans les automates et les systèmes d’information des laboratoires, afin de ne pas rajouter une charge de travail aux biologistes. Interfacé avec les logiciels, l’outil est totalement transparent pour les professionnels.
La problématique de l’interopérabilité des données a été rapidement levée : « nous avons été pragmatiques en utilisant les standards existants et en acceptant tous les flux », balaye Bruno Gauthier. C’est-à-dire Hprim médecin 3.0 et Hprim santé 2.4 pour la médecine de ville et les normes LTW (HL7 v2.5) pour les sites publics.
Un projet pour l’avenir
L’outil a connu plusieurs évolutions durant l’année. Après son déploiement en mai, l’arrivée des tests sérologiques a entraîné une révision au début de l’été. Puis, à l’automne, l’arrivée des tests antigéniques a été un nouveau challenge. « Nous sommes sortis de la logique initiale de connexion avec 5 000 laboratoires pour relier les très nombreux acteurs – pharmacies, etc. – qui peuvent réaliser ces tests », explique Raphaël Beaufret. Dans le même temps, des fonctionnalités étaient ajoutées comme, à l’été, la possibilité d’indiquer une adresse temporaire pour les vacanciers.
Tous ces travaux ne seront pas à usage unique. « Ces efforts vont permettre d’accélérer la numérisation de la biologie médicale », assure Raphaël Beaufret.
Pour Bruno Coignard, Sidep est « un formidable accélérateur de progrès pour la surveillance des maladies infectieuses ». Ce dernier a expliqué qu’actuellement, Santé publique France dispose de 70 systèmes de surveillance différents pour couvrir les maladies infectieuses prioritaires.
La plupart de ces outils entraînent un surcroît de travail pour leurs utilisateurs, comme le réseau Epibac de surveillance des infections invasives d’origine communautaire par les biologistes ou encore des enquêtes LaboVIH pour la surveillance de l’activité de dépistage de l’infection à VIH (virus de l’immunodéficience humaine).
Numérisation contre transmission du virus
« L’avenir de Sidep, c’est son extension et sa pérennisation pour améliorer l’efficience et la qualité de la surveillance des maladies infectieuses », espère Bruno Coignard. Un tel outil pourrait inclure différentes fonctions : certaines seraient activées en cas d’épidémie (avec transmission de données nominatives) ; d’autres seraient déployées sur la base de données pseudonymisées utilisées en routine.
Car même si la plate-forme Sidep fut déployée en un temps record, « nous avons perdu quatre mois au début de l’épidémie : avoir déjà Sidep aurait peut-être permis de réduire dès le départ les chaînes de transmission du virus », conclut Raphaël Beaufret.