Coup d’accélérateur en vaccinologie avec la Covid-19

Les maladies infectieuses sont responsables de plus de 25 % des décès dans le monde : il s’agit de la deuxième cause de mortalité après les maladies cardiovasculaires. La problématique des maladies infectieuses émergentes, et donc des vaccins pour s’en prémunir, est d’autant plus essentielle avec la pandémie de Covid-19 qui a frappé le monde en 2020. Le Pr Odile Launay, infectiologue à l’hôpital Cochin de Paris, présente, à l’occasion de la Ricai 2020, les champs de développements vaccinaux, dans ce contexte marqué par les interrogations des citoyens quant à la sécurité des vaccins arrivant sur le marché.

Un nombre important de nouveaux vaccins ont vu le jour au cours du XXIe siècle, qu’il s’agisse d’un vaccin sous-unitaire adjuvanté contre le Zona en 2017, d’un vaccin 9 valences contre le papillomavirus en 2014, ou encore celui de la dengue en 2018 et Ebola en 2019-2020. La recherche dans ce domaine est active, alors qu’à l’inverse, peu de nouveaux antibiotiques ou antiviraux apparaissent. Quelles techniques permettent d’améliorer leur immunogénicité ?

L’une des premières façons d’améliorer les performances des vaccins consiste à augmenter les concentrations des doses en antigènes, comme pour le vaccin contre la grippe. De nouveaux adjuvants ont également fait leurs preuves, notamment dans un vaccin contre le Zona proposé par GSK, auquel a été ajouté à la glyco- protéine E un système d’adjuvants constitué de monophosphoryl lipid A (MPL) et de liposomes. Autre exemple : l’efficacité du vaccin contre la fièvre typhoïde est améliorée par l’utilisation d’un vaccin conjugué à une toxine tétanique comme cela a été montré dans un essai conduit au Népal chez l’enfant1. Contre la dengue, un vaccin vectorisé constitué d’une souche chimérique fait l’objet de recherches menées par le laboratoire Takeda.

L’immunisation de la femme enceinte est elle aussi très étudiée, visant, selon les cas, à protéger la mère, le fœtus, et/ou le nourrisson, par exemple contre le virus respiratoire syncitial ou l’infection à streptocoque B.

La vaccination est un outil majeur en termes de réponse, et potentiellement de prévention, contre les maladies infectieuses émergentes. Jusqu’à présent, il fallait compter environ dix ans entre l’identification d’un germe et la mise à disposition d’un vaccin. « L’évaluation est cliniquement complexe en période épidémique car des questions éthiques se posent, et parce que les capacités de productions peuvent se révéler insuffisantes dans l’urgence », estime le Pr Launay.

La coalition internationale CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) a défini les priorités : outre la recherche d’un vaccin contre Ebola, elle a soutenu neuf vaccins contre la Covid-19 en 2020. Les vecteurs viraux, réplicatifs ou non, ainsi que les vaccins à acides nucléiques (ADN et ARNm) sont les nouvelles technologies de vaccins préconisées car elles permettent de répondre de façon urgente à l’émergence du virus. Un vaccin à base d’acide nucléique ARNm a été développé et mis au point très rapidement par la firme Moderna. Un atout : sa facilité de production d’ARNm synthétique. Cette approche avait vu le jour dès la fin des années 1990 avec des recherches vaccinales contre le Zika, le Chikungunya, l’influenza (grippe) et le cytomégalovirus, pour lequel les recherches effectuées par Moderna étaient les plus avancées. Principe de ce vaccin : de l’ARN messager codant pour la protéine S, la principale protéine de surface du SARS-CoV2, est enrobé dans une capsule lipidique. Cet ARNm est traduit par les ribosomes en protéines : la protéine S (ou protéine Spike, qui joue un rôle clé dans l’entrée du virus dans sa cellule cible) ainsi fabriquée sera présentée à la surface de la cellule et susceptible d’induire une réponse immunitaire spécifique. À la différence de potentiels vaccins ADN, les vaccins à ARNm ne s’intègrent pas dans le noyau de la cellule. Ils peuvent induire une réponse immunitaire humorale et cellulaire. Les principaux effets indésirables sont la fatigue et une myalgie. L’efficacité de protection s’est élevée à 94 % lors des essais cliniques2.

Un autre essai de vaccin ARNm a débuté le 27 juillet 2020 pour un vaccin contre la Covid-193, mis au point par Pfizer/ BioNTech. Impliquant 44 000 participants, il a lui aussi mis en évidence qu’une deuxième dose s’avère indispensable pour une plus grande intensité de la réponse immunitaire ainsi qu’une protection de durée potentiellement plus longue. Les effets indésirables observés sont essentiellement locaux, fatigue et céphalées. Ce vaccin a reçu une Autorisation de mise sur le marché conditionnelle de la Commission européenne le 21 décembre 2020.

Par ailleurs, les vecteurs viraux sont développés depuis les années 1980. Principe : intégrer le gène de la protéine susceptible d’induire une réponse immunitaire à l’intérieur d’un vecteur. Il existe des vecteurs viraux réplicatifs, comme celui de la stomatite vésiculaire, et des vecteurs viraux non réplicatifs, tel celui de l’adénovirus humain ou non humain. Le vaccin contre Ebola, mis au point par Janssen, autorisé depuis cet été, utilise cette technologie. La firme AstraZeneca a mené des recherches utilisant un vaccin vectorisé qui a recours à l’adénovirus du chimpanzé dans la lutte contre la Covid-194. Les données relatives aux vaccins russe, Spoutnik V, et chinois, sont, quant à elles, très peu connues.

« Le problème essentiel sera maintenant celui de l’acceptabilité du vaccin contre la Covid-19 »5, résume le Pr Odile Launay, peu inquiète quant à la sécurité du produit même si celle-ci devra faire l’objet d’une surveillance soigneuse. Cette acceptabilité s’avère en effet en baisse. Une question éthique se pose aussi, celle du coût. Le vaccin à ARNm de Moderna s’élève à 30 euros la dose, mais il est probable que d’autres vaccins à coûts différents seront proposés. La question sera donc également celle de l’accès pour les pays les moins riches. « Ce développement est inédit, conclut le Pr Launay, celui d’un nouveau vaccin mis au point en moins d’un an pour une nouvelle maladie… ».

Histoire des vaccins

1. Vaccins vivants atténués (principe découvert dès 1796 par Jenner avec la vaccine de la variole, puis utilisé par Pasteur en 1885 chez l’humain avec la première vaccination contre la rage).

2. Germes entiers inactivés (XXe siècle).

3. Vaccins sous-unitaires : protéines purifiées (XXe siècle).

4. Techniques génétiques (années 1970 – 1980) : protéines recombinantes

5. Vecteurs viraux (développés depuis les années 1980).

6. Vaccins acides nucléiques : ARN messagers (2020, coronavirus) ou ADN.

Références

  1. Shakya M et al., N Engl J Med. 2019 Dec 5; 381(23): 2209-2218.
  2. Baden LR et al., N Engl J Med. 2020 Dec 30.
  3. Polack FP et al., N Engl J Med. 2020 Dec 31; 383(27): 2603-2615.
  4. Voysey M. et al., Lancet. 2020 Dec 8; S0140-6736(20)32661-1.
  5. Coconel Group. Lancet Infect Dis. 2020 Jul; 20(7): 769-770.