Comment l’INS va s’imposer dans le quotidien des biologistes

« Bien identifié·e, bien soigné·e. » Tel est le slogan de l’identifiant national de santé… ou plutôt, de l’Identité nationale de santé (INS), puisque c’est ainsi qu’elle a été rebaptisée en avril par l’Agence du numérique en santé (ANS). « Il est préférable de parler d’identité car l’INS se base sur cinq traits d’identité (nom de naissance, prénoms, sexe, date et lieu de naissance) et un identifiant unique de santé, le NIR (numéro d’inscription au répertoire). Ces éléments caractérisent de façon unique et permanente chaque usager tout au long de sa vie, contrairement à un identifiant local qui peut changer et qui diffère entre deux systèmes d’information », explique le Dr Bruno Gauthier, trésorier de la Société française d’informatique de laboratoire (Sfil) et membre de la task force du Ségur de la biologie.

Jusqu’à aujourd’hui, l’identification d’un usager se faisait avec les informations inscrites sur une pièce d’identité, voire avec les informations de sa carte Vitale, ou oralement en lui demandant son nom, prénom et date de naissance, ce qui pouvait entraîner des erreurs ou des doublons. Cette INS doit donc permettre de fiabiliser les données de santé en les reliant, sans erreur possible, à l’individu concerné.

L’utilisation de l’INS est devenue obligatoire depuis le 1er janvier 2021, mais avec « une tolérance » le temps que l’ensemble de l’écosystème soit déployé, note Bruno Gauthier. La volonté de l’ANS et de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) est que d’ici la fin 2022, 80 % des échanges utilisent l’INS. Un objectif ambitieux qui a été revu à la baisse ; en mars, il était de 90 %…

Indispensable en phase pré-analytique

Pour les biologistes médicaux, « la mise en place de l’INS aura un impact sur la partie pré-analytique », explique Bruno Gauthier. Le biologiste a pour mission de récupérer l’INS du patient s’il n’a pas de prescription – opération qui peut se faire via la carte Vitale en appelant le téléservice INSi – ou la vérifier s’il est envoyé par un autre professionnel de santé. « La plupart des patients viennent avec une prescription, qu’elle soit papier ou, demain, électronique, ce qui veut dire que leur identité a été vérifiée en amont », détaille Mahdi Aqallal, responsable communication de la SFIL. « Associer cette identitovigilance aux traits d’identités récupérés grâce au téléservice INS permet d’obtenir une identité qualifiée, ce qui est la voie royale pour permettre au laboratoire de réaliser son prélèvement en étant sûr de se trouver face à la bonne personne », poursuit-il.

Mais l’intérêt de l’INS ne s’arrête pas à la partie pré-analytique, ni même à la partie analytique en elle-même – lors de laquelle il s’ajoute aux mesures de sécurité déjà mises en place par les laboratoires pour garantir l’identité du patient. En post-analytique également, l’INS va avoir un effet important. « La diffusion des résultats d’analyse à destination des prescripteurs sera beaucoup plus sécurisée, souligne le Dr Aqallal. Alors qu’aujourd’hui, beaucoup de pratiques sont restées orales, avec des risques d’homonymie ou d’erreur, l’arrivée de l’INS associé à la messagerie sécurisée de santé permettra demain aux professionnels de santé d’échanger les informations par un canal doublement sécurisé ». La diffusion des résultats de biologie dans le Dossier médical partagé (DMP) en sera aussi facilitée, la présence de l’INS sur ces derniers faisant disparaître le risque d’homonymie ou d’erreur.

Une vérification même en l’absence du patient

Mais quid des prélèvements qui se font en l’absence des patients, nombreux, notamment pour les laboratoires qui travaillent en majorité avec des établissements de santé ou des préleveurs externes tels que les infirmiers libéraux ? Afin que l’ensemble des acteurs appliquent les mêmes règles d’identitovigilance, le Réseau des référents régionaux en identitovigilance (3RIV), en collaboration avec la Délégation du numérique en santé (DNS), a publié un référentiel national d’identitovigilance. Il est à disposition sur le site de l’ANS et a été rendu opposable au mois de juin 2021. Ce référentiel prévoit le cas où le patient n’est pas directement en contact avec le professionnel de santé, lors de téléconsultation par exemple. Et pour les situations spécifiques des laboratoires, une fiche pratique est mise à disposition sur le site du 3RIV. Intitulée « Qualification identité en dehors du laboratoire », cette fiche pratique a été rédigée en partenariat avec la SFIL.

Une mise à jour nécessaire des logiciels

La récupération de l’INS et des traits d’identité de référence du patient est possible grâce au téléservice INSi (identifiant national de santé intégré). Pour y accéder, les éditeurs de logiciels doivent mettre à jour leurs solutions en respectant les conditions de sécurité du référentiel INS. Une mise à jour générale qui, techniquement, ne devrait pas poser de problèmes, mais qui pourrait prendre du temps – ces nouvelles versions devant ensuite être déployées dans les laboratoires. Le Ségur de la biologie devrait s’accompagner de financements publics pour que ce basculement ne soit pas à la charge des laboratoires.

L’INS, préalable à ” Mon Espace Santé “

La réforme ” Ma santé 2022 ” prévoit la création automatique, pour tous les usagers du système de soin, d’un espace numérique de santé intitulé ” Mon Espace Santé “, au plus tard en janvier 2022. Cet outil sera plus complet que le Dossier médical partagé (DMP) puisqu’il contiendra, en plus, un agenda numérique de santé, un catalogue d’applications numériques de santé, et des outils permettant des échanges sécurisés avec les professionnels de santé. ” Actuellement, les professionnels de santé peuvent échanger entre eux de manière sécurisée grâce à la MSSanté, mais il n’existe pas de tels outils pour échanger avec les patients “, explique Bruno Gauthier. L’ENS répondra donc à ce manque en fiabilisant les échanges, par exemple les envois de comptes rendus de résultats d’examens. Mais tout cela n’est possible qu’à condition que l’identification du titulaire de cet espace numérique soit fiable à 100 %, raison pour laquelle l’INS est, là aussi, le socle du projet.