Ricai 2022 : Épidémies sous surveillance
Antibiogrammes ciblés contre l’antibiorésistance
Une étude à paraître dans quelques mois montre que le rendu d’antibiogrammes ciblés réduit la prescription d’antibiotiques critiques. Récompensée par le prix Clinique de la Ricai pour ces travaux, Maïa Simon nous en révèle déjà les principaux enseignements.
La remise aux prescripteurs d’anti- biogrammes ciblés en lieu et place des antibiogrammes complets habituels entraînerait une réduction de 20,8 % des prescriptions d’antibiotiques critiques, particulièrement générateurs de résistances1. Ce sont les premiers résultats d’une étude qui sera publiée dans les prochains mois par Maïa Simon, assistante hospitalo-universitaire en santé publique, épidémiologie et recherche clinique au CHRU de Nancy, qui a reçu le prix Clinique pour ses travaux concernant l’impact, la faisabilité et l’acceptabilité des antibiogrammes ciblés dans les infections urinaires communautaires lors de la Réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-infectieuse (Ricai) 2022. « La résistance aux antibiotiques est une menace sérieuse et croissante pour la santé publique dans le monde entier », rappelaient les auteurs de ces travaux dans un article détaillant le protocole, publié en 2018 dans le British Medical Journal2.
Une étude prospective, multicentrique et contrôlée
Cette pratique des antibiogrammes ciblés fait déjà partie des recommandations dans la lutte contre l’antibiorésistance. Toutefois, cette stratégie n’avait encore jamais été évaluée expérimentalement ; c’est chose faite. Les chercheurs de l’université de Lorraine et du CHRU de Nancy ont mis en place une étude prospective, multicentrique et contrôlée comparant l’usage d’antibiogrammes ciblés versus complets. À partir de septembre 2018, 21 laboratoires du groupe Atoutbio ont rendu des antibiogrammes ciblés pour chaque examen cytobactériologique des urines (ECBU) positif à Escherichia coli chez des patients adultes, tandis que 20 laboratoires du groupe Biogroup fournissaient des antibiogrammes complets pour ces mêmes situations. Les chercheurs ont examiné les prescriptions d’antibiotiques qui faisaient suite à ces résultats, en s’intéressant plus précisément aux prescriptions d’amoxicilline – acide clavulanique, de céphalosporines de troisième génération et de fluoroquinolones. Ces antibiotiques sont en effet considérés comme « critiques » par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), parce qu’ils sont particulièrement générateurs de résistances bactériennes. « Ils sont aussi très fréquemment utilisés et à large spectre », ajoute Maïa Simon. Ils sont ainsi classés dans la liste des antibiotiques dont la prescription et la dispensation doivent être contrôlées par des mesures spécifiques selon l’ANSM.
Contre-indications et contexte clinique
Différents profils d’antibiogrammes ciblés à rendre ont été développés en fonction du genre du ou de la patient(e) et de la résistance du pathogène aux antibiotiques recommandés en première intention, pour les femmes et les hommes. Ils ont été développés et testés par trois médecins généralistes, un microbiologiste et deux spécialistes des maladies infectieuses, précisent les chercheurs. Il est à noter que, lors du développement des algorithmes, deux risques possibles associés à des antibiogrammes ciblés ont été pris en compte. Premièrement, les médecins peuvent rencontrer des problèmes pour prescrire un antibiotique à des patients présentant de multiples allergies ou contre-indications. Pour cela, au moins deux classes différentes d’antibiotiques étaient signalées sur le rapport ciblé et la phrase « l’antibiogramme complet est disponible à la demande du prescripteur » était spécifiquement mentionnée. Deuxièmement, étant donné que le diagnostic clinique était inconnu du microbiologiste, et afin d’éviter l’utilisation accrue d’antibiotiques signalés sur le rapport ciblé mais non appropriés au contexte clinique (par exemple la nitrofurantoïne dans la pyélonéphrite, comme cela a déjà été signalé dans d’autres études), les antibiotiques qui ne devraient pas être utilisés dans la pyélonéphrite ou la prostatite étaient spécifiquement signalés.
Réduction des prescriptions d’antibiotiques critiques
Les données des laboratoires pour chaque ECBU positif à Escherichia coli avec antibiogrammes ont été transmises à l’Assurance Maladie, qui a réalisé un appariement indirect avec le Système National des Données de Santé (SNDS), afin de permettre aux chercheurs d’identifier les antibiotiques prescrits dans les 15 jours suivant l’antibiogramme. Au total, 42 956 ECBU positifs à Escherichia coli avec antibiogrammes ont pu être correctement appariés avec le SNDS et inclus dans l’étude.
Résultats : les antibiogrammes ciblés ont permis de réduire de 20,8 % le taux de prescriptions des antibiotiques critiques, comparativement aux antibiogrammes complets. Maïa Simon précise que l’effet a surtout été observé sur les C3G. Pourquoi ? Elle fait la double hypothèse que, d’une part, « les prescriptions d’association amoxicilline – acide clavulanique étaient déjà très faibles avant l’étude », et que, d’autre part, « les prescripteurs sont encore très attachés aux quinolones, surtout en cas de pyélonéphrite ». Le chercheur pense qu’il « serait intéressant de réexaminer ces chiffres pour voir si cet impact a perduré dans le temps, et s’il est encore plus marqué maintenant qu’on a un peu plus de recul, ou si au contraire les prescriptions d’antibiotiques critiques ont réaugmenté ».
Étendre cette stratégie au niveau national ?
L’équipe souhaiterait que cette stratégie d’antibiogrammes ciblés soit étendue au niveau national et a réfléchi aux conditions de cette extension. « Il faudrait mieux informer les prescripteurs en amont sur ces antibiogrammes ciblés, évoque notamment Maïa Simon. Plusieurs sociétés savantes, dont la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), sont en train d’élaborer des recommandations qui seront ensuite labellisées par la Haute Autorité de Santé3, et nous avons pu présenter nos résultats au groupe de travail en charge du développement de ces recommandations. »
Références
- ANSM, Les antibiotiques considérés comme ” critiques ” : premières réflexions sur leur caractérisation. https://archiveansm.integra.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Les-antibiotiques-consideres-comme-critiques-premieres-reflexions-sur-leur-caracterisation-Point-d-information
- Binda et al., BMJ Open. 2018;8:e025810
- HAS, Antibiogrammes ciblés pour les infections urinaires à Entérobactéries – Note de cadrage. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3262788/fr/antibiogrammes-cibles-pour-les-infections-urinaires-a-enterobacteries-note-de-cadrage
Surveillance des viroses respiratoires aiguës
Influenza, SARS-CoV-2, VRS : ces virus respiratoires méritent une surveillance rapprochée et coordonnée. Trois experts en livrent les clés et les enjeux.
Les virus influenza restent dans le viseur, « parce qu’ils se sont rendus tristement célèbres en donnant lieu à des épidémies notables, parce qu’ils représentent une charge saisonnière pour les systèmes de santé et parce qu’ils représentent toujours un risque pandémique », rappelle Étienne Simon-Lorière, virologue à l’Institut Pasteur, à Paris. Les objectifs premiers de cette surveillance sont donc de vérifier que les outils de détection et de typage de ces virus sont à jour pour la surveillance épidémiologique, mais aussi pour la prise en charge des patients et, bien sûr, afin de mettre à jour traitements et compositions vaccinales.
Séquençage à haut débit
Historiquement, le séquençage des virus influenza était ciblé sur certains fragments et sur les protéines de surface, hémagglutinines (HA) et neuraminidases (NA). Toutefois, la pandémie de Covid-19 a popularisé le séquençage à haut débit et le séquençage complet des génomes viraux. « Quand on séquence simplement la HA d’un virus influenza, il faut un à deux mois pour voir une mutation dans la séquence, alors que, si on a le génome complet, on peut voir un signal entre une et deux semaines. C’est donc un avantage direct pour comprendre plus rapidement les processus évolutifs et suivre ces virus. Les génomes complets et leur analyse, leur mise en parallèle avec d’autres métadonnées, permettent aussi d’étudier les réassortiments, la présence de génomes défectifs, ou la complexité de la population virale intra-hôte », développe le spécialiste. Cependant, il soulève aussi la question du coût de ces techniques, et donc de leur volumétrie. Le professeur Bruno Lina, directeur du Centre national de référence des virus des infections respiratoires, aux Hospices civils de Lyon, apporte des éléments de réponse à cette question, avec un point sur les intérêts et les limites des PCR Multiplex. « La bascule vers le moléculaire s’est faite de manière inexorable », souligne-t-il. Elle permet maintenant d’être dans le temps de la gestion clinique urgente. Les questions qui restent en suspens sont donc : quelle multiplex ? combien de pathogènes rechercher ? quels pathogènes ? et dans quel but ?
Intérêt et limites des PCR multiplex
Par exemple, les PCR multiplex automatisées sacrifient l’échantillon, ce qui a un intérêt pour un diagnostic rapide mais présente l’inconvénient d’empêcher tout retour sur cet échantillon dans le cas où le résultat est négatif ou s’il nécessite des analyses secondaires. Pour les mêmes raisons, Bruno Lina pointe les milieux inactivants qui interdisent toute mise en culture du pathogène a posteriori. Dans une optique qualitative mais aussi médico-économique, il invite donc les laboratoires à faire appel à des outils adaptés à différentes démarches et à s’appuyer au besoin sur des appareils déportés ou délocalisés. « À l’hôpital, quand il s’agit de désengorger les urgences et de mettre en place rapidement un traitement adapté, les techniques moléculaires qui ne sont pas forcément de la PCR mais permettent d’avoir des réponses en quinze minutes sont extrêmement utiles, même si elles n’ont qu’un seul “tir” (un seul virus). En cas d’errance diagnostique, il faudra au contraire faire appel à un dispositif “très multiplexé”. »
Dans la démarche communautaire, le médecin veut une réponse rapide et celle-ci doit permettre de savoir si une prise en charge est possible ou non. Cela invite donc à cibler les pathogènes concernés.
Dans une démarche épidémiologique, il s’agit de surveiller les événements prévus et imprévus, chercher les variants… Cela nécessite donc un système avec de nombreux pathogènes différents et un système ouvert qui permette de revenir à l’échantillon pour des analyses secondaires.
Dans l’idéal, un outil programmable « à la carte »
Le Pr Lina invite également à avoir des outils adaptés aux variations de volume, entre la nuit où les analyses sont rares et le jour où on reçoit « des tombereaux de prélèvements ». De plus, « les tombereaux de prélèvements durent pendant trois mois, alors que l’été est très calme », ajoute-t-il. Il alerte enfin sur les dispositifs qui fonctionnent en série : « S’il faut attendre d’avoir 50 prélèvements pour faire les PCR, ça ne va pas. Il faut qu’on puisse les mettre au fil de l’eau et pouvoir intégrer une analyse urgente en décalant les autres ». Son outil idéal est aussi programmable « à la carte » : « Je veux un, deux, quinze pathogènes. Je veux celui-là, pas celui-là… », en gardant toujours un canal ouvert pour ajouter un pathogène inconnu.
Suivi du Covid
De nombreux outils ont été adaptés ou créés ex nihilo pour surveiller l’épidémie de Covid-19, liste Sibylle Bernard-Stoecklin, coordinatrice de la surveillance de la grippe à Santé publique France : le réseau Sentinelle, le dispositif de certification électronique des décès, le système d’information hospitalier SI-VIC (pour « Système d’Information pour le suivi des VICtimes d’attentats et de situations sanitaires exceptionnelles »), celui des laboratoires SI-DEP (pour « Système d’Information de DEPistage »), le suivi de la vaccination Vaccin Covid et enfin Emergen (consortium pour la surveillance et la recherche sur les infections à pathogènes EMERgents via la GENomique microbienne) pour la surveillance des variants émergents. Elle souligne que certains de ces outils, SI-DEP particulièrement, ont été déclinés à un niveau géographique extrêmement fin et jamais atteint auparavant pour la grippe : l’IRIS, îlot regroupé pour l’information statistique.
Pérenniser et interconnecter les systèmes existants
Aujourd’hui, Santé publique France s’attaque donc à pérenniser et interconnecter ces systèmes entre eux pour mieux surveiller ces viroses, sans alourdir la charge de travail des professionnels de santé. Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses à Santé publique France et comodérateur de la session, conclut en annonçant : « Cela se traduira très concrètement d’ici la prochaine saison hivernale, puisque les trois bulletins hebdomadaires concernant le Covid, la grippe et la bronchiolite seront fusionnés en un seul : bulletin Infections respiratoires aiguës (IRA). »
Covid-19, grippe, bronchiolite… Quelles armes thérapeutiques ?
Les virus respiratoires circulant cet hiver sont nombreux, précoces et très actifs. Le point sur les médicaments ciblés pour les combattre.
Anticorps monoclonaux, antiviraux, vaccination sont autant d’armes à disposition des professionnels de santé pour lutter contre les virus respiratoires. Ces derniers « ont du souci à se faire ! » titrait ainsi la session consacrée à ce sujet lors de la Ricai 2022, pour laquelle étaient réunis le professeur Karine Lacombe, infectiologue et chef de service des maladies infectieuses de l’Hôpital Saint-Antoine (AP-HP), le professeur Slim Fourati, virologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, et le professeur Bruno Lina, directeur du Centre national de référence des virus des infections respiratoires, aux Hospices civils de Lyon.
SARS-CoV-2, différents antiviraux à l’étude
Le professeur Karine Lacombe souligne l’usage limité des anticorps monoclonaux contre le SARS-CoV-2, avant de passer en revue les récentes études concernant différents antiviraux. Ainsi, le remdesivir1 a montré une certaine efficacité en hospitalisation pour les patients sous oxygène à bas débit et chez les patients à haut risque non hospitalisés. Ce traitement a évité des visites médicales, des hospitalisations et des décès selon l’étude Pinetree2. Le nirmatrelvir, avec le ritonavir en booster, a également fait ses preuves chez les patients à risque non hospitalisés3. L’essai cliniqueMOVe-OUT, sur le molnupiravir, s’est révélé quant à lui non concluant en hospitalisation, mais a permis une réduction des hospitalisations et décès de 30 % chez les patients à risque en ambulatoire et une diminution significative de la charge virale nasopharyngée4. Karine Lacombe rappelle cependant que cette molécule ne dispose pas d’un accès précoce en France.
VRS, vers la prophylaxie
Le VRS est la principale cause de bronchiolite chez le nourrisson. « Pour l’instant, aucun antiviral n’est disponible sur le marché contre ce VRS, mais plusieurs sont à l’étude, dans plusieurs mécanismes d’action, et sont prometteurs, à condition d’être utilisés précocement5 », détaille le professeur Slim Fourati. En attendant, le spécialiste se tourne vers la prophylaxie avec les anticorps monoclonaux et les nouveaux candidats vaccins très attendus.
Virus influenza, une vaste pharmacopée
« Parler de grippe, ça fait du bien, ça change », s’amuse le professeur Bruno Lina, après sa forte implication pendant la pandémie de Covid-19, avant d’énumérer les antiviraux disponibles contre les virus influenza, possédant la plus vaste pharmacopée parmi les virus respiratoires. Le zanamivir et l’oséltamivir, notamment, bloquent la neuraminidase nécessaire à la libération des particules virales6, tandis que le baloxavir et le favipiravir s’attaquent à la polymérase du virus7. Le spécialiste relève néanmoins l’apparition rapide de résistances, qu’il est possible de contrer par des associations de différentes classes médicamenteuses, mais qui place cette stratégie antivirale comme complémentaire de l’arme première : la vaccination.
Références
- WHO Solidarity Trial Consortium, N Engl J Med. 2021 Feb 11;384(6):497-511.
- Gottlieb et al., N Engl J Med. 2022 Jan 27;386(4):305-315.
- Hammond et al., N Engl J Med. 2022 Apr 14;386(15):1397-1408.
- Bernal et al., N Engl J Med.10 Feb 2022;386(6):509-520.
- Duval et al., PLoS Med. 2010 Nov 2;7(11):e1000362.
- Domachowske et al., Infect Dis Ther. 2021 Mar;10(Suppl 1):47-60.
- Hayden et al., N Engl J Med. 2018 Sep 6;379(10):913-923.
- Goldhill et al., Proc Natl Acad Sci USA. 2018 Nov 6;115(45):11613-11618.
Variole du singe : où est est-on en 2023 ?
La France constitue le troisième pays le plus touché par l’épidémie en cours de variole du singe. Le point sur l’émergence de cet <i>Orthopoxvirus</i>, ses réservoirs animaux, son adaptation à la transmission interhumaine et ses possibilités d’avenir.
C’est au printemps 2022 que des cas de variole du singe, sans lien direct avec un voyage dans les pays où le virus est présent, ont été signalés en Europe et ailleurs dans le monde. La maladie fait l’objet, en France comme en Europe, d’une surveillance renforcée reposant sur une déclaration obligatoire. En France, après une augmentation rapide du nombre de cas au printemps, jusqu’à atteindre un pic en juillet, on constate depuis une diminution lente, mais sans que le nombre de cas devienne nul. Plus de la moitié des cas hexagonaux ont été recensés en Île-de-France. 97 % des cas répertoriés concernent des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) et 76 % dans le cadre de relations multipartenariales.
« Le virus Monkeypox appartient à la famille Poxviridae, dont la manifestation commune est une atteinte cutanéo-muqueuse, et à la sous-famille Chordopoxvirinae, qui infecte un large spectre d’hôtes vertébrés. Il s’agit d’un virus enveloppé, à ADN double brin, dont la région centrale est très conservée entre les différents Orthopoxvirus mais dont les extrémités sont variables. Il réalise l’ensemble de son cycle dans le cytoplasme des cellules infectées. Parce qu’il importe la plus grande partie des protéines (une centaine) nécessaires à son cycle, il est capable d’infecter de nombreuses cellules », détaille le Dr Stéphane Marot, virologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il a été isolé pour la première fois, en 1958, chez des macaques crabiers importés de Singapour au Danemark pour des raisons expérimentales, puis chez l’homme en 1970 en République démocratique du Congo (RDC). Depuis, son aire géographique de répartition ne cesse de s’étendre. La plupart des cas répertoriés jusqu’à présent l’ont été sur l’ensemble de l’Afrique du Centre et de l’Ouest. On signale aussi des cas d’importations aux États-Unis, ainsi qu’au Royaume-Uni et à Singapour en 2017-2018.
La transmission de l’animal à l’humain peut résulter d’un contact direct avec du sang, des liquides biologiques ou des lésions cutanées ou muqueuses d’animaux infectés. Quant à la transmission interhumaine, elle résultait jusqu’à présent de contacts étroits avec des sécrétions des voies respiratoires ou des lésions cutanées d’un sujet infecté ou avec des objets récemment contaminés. L’épidémie de 2022 a vu l’apparition du mode de transmission sexuel. Celui-ci serait lié à l’infection des muqueuses de la sphère ano-génitale avec production de virus infectieux, ainsi qu’à une baisse de l’immunité des populations jeunes suite à l’arrêt de la vaccination contre la variole en France en 1979. L’épidémie de 2022 s’est ainsi essentiellement répandue parmi des personnes jeunes (âge médian 36 ans), donc non vaccinés contre la variole, et ayant des partenaires sexuels multiples favorisant une meilleure dissémination du virus au sein de cette population.
Réservoirs animaux : des connaissances parcellaires
« Cette zoonose circule avant tout dans les forêts tropicales africaines chez les rongeurs (famille des sciuridés, incluant les écureuils et les marmottes). Des écureuils sauvages africains semblent être des réservoirs probables, mais d’autres mammifères d’Afrique seraient impliqués en tant que réservoirs ou hôtes de liaison (alors que les primates africains ne sont que des hôtes accidentels) », présente le Pr Nadia Haddad, spécialiste des zoonoses à l’École vétérinaire nationale d’Alfort. « La question se pose donc du risque de transmission du MPXV par des patients à des espèces animales autochtones dans le contexte de l’épidémie survenue hors d’Afrique, en particulier en Europe, et du risque de leur infection, voire de la constitution de réservoirs. Des données expérimentales suggèrent que certains animaux de compagnie pourraient être sensibles au virus », notamment les lapins, ainsi que les très jeunes rongeurs faisant office de nouveaux animaux de compagnie (NAC). En revanche, aucun cas d’infection naturelle avérée n’a été confirmé à ce jour chez les chats et les chiens. Dans les pays occidentaux, il y a peu à craindre que des animaux sauvages assez farouches, comme les écureuils roux, soient infectés par des humains présentant des lésions mais davantage de vigilance s’impose pour les petits mammifères plus facilement au contact des humains comme les hérissons ou les écureuils gris que l’on rencontre en Amérique du Nord, ainsi que des chiens de prairie, de plus en plus utilisés en tant que NAC. Finalement, les nombreuses lacunes dans les connaissances rendent difficile une analyse des risques de transmission reverse par des patients aux animaux d’espèces autochtones. Il est cependant préconisé que les patients prennent les mêmes mesures de précaution envers les animaux qu’envers les humains.
Perspectives d’évolution
Cette épidémie 2022 n’était pas la première à témoigner d’une transmission interhumaine importante, puisqu’en 1996, en RDC, cinq cents cas avaient été rapportés. Le docteur Olivier Robineau, infectiologue au Centre hospitalier de Tourcoing, dresse les perspectives d’évolution de cette épidémie, et d’éventuelles suivantes, à partir des données connues : « Si la majorité des cas a pour l’instant touché la région parisienne, on peut tout à fait imaginer qu’il y a des sous-groupes d’hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes qui n’ont pas été touchés et que de nouvelles épidémies peuvent surgir. On n’est pas du tout dans un phénomène de saturation », alerte-t-il. Le médecin souligne toutefois une notion de seuil importante : un travail de modélisation réalisé en 2012 sur les données de RDC a montré que le nombre de contacts entre les personnes susceptibles, pendant la période épidémique, était au-delà de 13,7 mais que, si on diminuait ce nombre de contacts à moins de dix, l’épidémie s’éteignait. Dans le cas d’une transmission sexuelle, la probabilité d’être contaminé est très hétérogène dans une population. En l’occurrence, la grande majorité des personnes infectées sont ici des hommes fréquentant des lieux de rencontres sexuelles et qui font des rencontres via Internet. Par ailleurs, plusieurs travaux ont montré que, chez les personnes qui n’ont jamais été vaccinées contre la variole, la vaccination n’est pas très efficace : il faudrait trois doses de vaccin contre la variole du singe pour obtenir une bonne immunité. Nul doute que ce virus de la variole du singe continuera donc à faire parler de lui.