Retour des JIB : des biologistes médicaux avant-gardistes en mal de reconnaissance

Moi, aujourd’hui, ce que j’attends, ce sont des actes. Parce que M. le directeur [NDLR directeur général de la santé], aujourd’hui j’aimerais être comme vous optimiste, mais je ne peux plus l’être au vu de la manière dont on nous traite et la place que l’on nous assigne“. C’est ainsi qu’un biologiste a interpellé le directeur général de la santé, Gregory Emery, venu faire l’ouverture des JIB – journées de l’innovation en biologie – qui se tenaient au Palais des Congrès de la Porte Maillot ces 17 et 18 novembre 2023.

Des Etats généraux de la biologie médicale dès janvier 2024

Parce qu’il est vrai que le discours vidéo du ministre de la santé, Aurélien Rousseau suivi de celui du DGS, étaient particulièrement optimistes et encourageants. Reconnaissant que” la biologie médicale a toujours été un lieu d’innovation technique mais aussi organisationnelle”, prouvée par exemple par “le rendu de résultats rapides et fiables”. Gregory Emery évoque ainsi l’avenir avec un réalisme optimiste “vos métiers vont évoluer, c’est évident mais je pense que l’on peut transformer les défis de la biologie médicale en opportunité pour notre système de santé”. Selon le DGS, la politique de santé des années à venir va être tournée vers la prévention et la caractérisation de l’exposome. Ainsi, explique-t-il, “un biomonitoring de la population va se mettre en place, comme cela se fait pour le suivi du chlordécone aux Antilles par exemple et les biologistes médicaux seront à l’avant-garde de cette médecine, prédictive, participative et biomonitorée”.

Le discours et le réel

Car derrière ces discours fort empathiques et encourageants, il y a des faits qui continuent d’envoyer des signaux négatifs à la profession. Ainsi, le énième refus d’intégrer les biologistes médicaux dans le livre VI du code de la santé publique. Une absence qui engendre systématique un oubli de la biologie médicale dans la mise en place des nouveaux systèmes de prévention (vaccination, dépistage, conseil etc). Un point souligné par la salle qui rappelait que pendant la Covid, lors des premières distribution de masques aux professionnels, les biologistes médicaux avaient donc été oubliés… Pendant toute cette édition des JIB, nombre d’intervenants ont rappelé le rôle majeur, central et précurseurs des biologistes médicaux en matière d’utilisation du numérique par exemple, ou pendant la crise de la Covid, pour autant le financement est jugé insuffisant par les libéraux (avec une stagnation de leur rémunération depuis des années) et complètement inadapté pour les biologistes hospitaliers (dont l’activité contient trop d’actes hors nomenclature et entrant dans des forfaits hospitaliers qui la rende invisible).

Des biologistes structurants

“Il est temps de parler des biologistes et non pas de son labo qui n’est que son outil de travail”, assénait François Blanchecotte, président du SDBio et des JIB, en ouverture de ces journées 2023. “nous ne sommes pas que des signataires de résultats donnés par des automates, il y a une différence entre résultats bruts et résultats réels“. Et de fait, les biologistes médicaux sont structurants : ils sont en contact avec l’ensemble des différentes professions de santé (infirmières, kiné, médecins généralistes et spécialistes, en ville et à l’hôpital), ils sont en première ligne dans les soins de proximité et toujours présents dans les déserts médicaux, ils ont été les premiers sur la numérisation des résultats et la télétransmission, ils ont une expérience en matière de gestion, de management d’équipes etc. Ce qui ressort des JIB c’est que l’expérience acquise et ces savoir-faire pourraient être mis à profit dans de nombreuses autres organisations comme les CPTS ou pour servir de référent dans certains pans du Ségur numérique. L’avenir de la profession ne passe pas seulement par une reconnaissance extérieure mais aussi avec une mobilisation de tous les biologistes pour inscrire leur activité au plus près des patients : en s’impliquant auprès des cliniciens, auprès des patients et auprès d’autres confrères au sein de structures pluridisciplinaires.