HAS : une recommandation et plusieurs guides de maladie chronique
La HAS est en charge d’évaluer régulièrement la pertinence d’intégrer ou non de nouveaux dépistages au programme national de dépistage néonatal (DNN). Pour rappel, 13 maladies sont actuellement dépistées via des tests biologiques réalisés à partir d’une goutte de sang sur du papier buvard.
La technologie de spectrométrie de masse en tandem (MS/MS) rend possible le dépistage de nombreuses erreurs innées du métabolisme (EIM). La HAS a réévalué l’opportunité d’élargir le DNN à 5 EIM n’ayant pas été recommandées lors de l’évaluation de 2020.
Les 5 maladies concernées étaient : la Citrullinémie de type 1 (CIT-1), l’Acidurie propionique (AP), l’Acidurie méthylmalonique (AMM), le déficit en VLCAD et le déficit en ornithine transcarbamylase (OTC). Cette dernière a finalement été écartée de l’évaluation car il n’y a pas, aujourd’hui, de de marqueur biologique spécifique permettant de l’identifier par la technique de MS/MS.
Conclusions : L’état actuel des connaissances pour la CIT-1, l’AP, et l’AMM ne permet pas de les proposer au programme national de DNN en raison soit d’un nombre de faux positifs trop important, soit de la probabilité importante que les symptômes surviennent avant le résultat soit de l’absence de bénéfices réels pour la vie de l’enfant.
La HAS recommande donc uniquement d’élargir au déficit en déshydrogénase des acyl-coA à chaîne très longue (VLCAD) le DNN en population générale en France. Ce dépistage implique nécessairement l’utilisation de la technologie de MS/MS. En effet, pour cette maladie les patients sont symptomatiques après le rendu des résultats et permettrait, même si le nombre de faux positifs reste important, de pouvoir agir de manière plus pertinente et efficace en cas de décompensation métabolique.
Pour la mise en place de ce dépistage, la HAS recommande l’utilisation du marqueur C14-1-carnitine pour réduire le nombre de faux positifs, de transmettre les buvards de prélèvement aux CRDN dans les 24h (y compris week-ends et jours fériés) ainsi que de former les professionnels de santé aux aspects techniques et relationnelles quant à la délivrance de l’information.
Syndrome de Townes-Brooks
Ce protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) explicite aux professionnels concernés la prise en charge diagnostique et thérapeutique optimale et le parcours de soins d’un patient atteint du syndrome de Townes-Brocks. Il a été élaboré par les Centres de Référence Maladies Rares Surdités Génétiques et Anomalies du développement à l’aide d’une méthodologie proposée par la HAS. Le syndrome de Townes-Brocks est une maladie rare d’origine génétique. Il se caractérise par la présence d’une triade clinique : malformation anorectale, malformation des pouces et dysplasie des oreilles, pouvant être associées à d’autres signes cliniques, notamment une atteinte rénale, une surdité, des malformations des membres inférieurs ou cardiaques, ou une atteinte génitale chez le garçon. Le diagnostic est évoqué, le plus souvent, en période néonatale ou au cours de l’enfance devant l’association syndromique avec ou sans antécédents familiaux, mais peut aussi être évoqué à l’âge adulte notamment dans le cadre de l’atteinte rénale.
Le diagnostic clinique du syndrome de Townes-Brocks
Il peut être évoqué par le généticien clinicien ou par le spécialiste d’organe dans le cadre d’une association malformative ou d’antécédents familiaux évocateurs, ou de façon inattendue lorsque le patient présente une forme d’aspect isolée, avec signes mineurs méconnus. Il peut être confirmé par l’identification d’une variation génomique pathogène (ou probablement pathogène) hétérozygote du gène SALL1. L’absence de mise en évidence d’une variation causale dans le gène SALL1 n’exclut pas nécessairement le diagnostic lorsque le tableau clinique et/ou l’histoire familiale sont très évocateurs. Le document souligne que “Le rôle du médecin traitant consiste notamment à adresser à une consultation de génétique clinique tout patient présentant une association malformative (au moins 2 atteintes) ou une surdité ou atteinte rénale isolée précoce.”
Lupus systémique de l’adulte et de l’enfant
Le PNDS pour le lupus systémique (LS) a été élaboré sous l’égide du Centre de référence du lupus, syndrome des anticorps anti-phospholipides et autres maladies auto-immunes rares et du Centre de référence des rhumatismes inflammatoires et maladies auto-immunes systémiques rares de l’enfant RAISE et de la Filière des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares FAI²R à l’aide d’une méthodologie proposée par la HAS.
Le lupus systémique (LS) est une maladie systémique, protéiforme, grave en l’absence de traitement, qui touche essentiellement la femme en période d’activité ovulatoire (sex-ratio 9 femmes pour 1 homme). Elle est caractérisée sur le plan biologique par la production d’anticorps antinucléaires dirigés en particulier contre l’ADN double brin. Le LS s’associe parfois au syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) défini par l’association de thromboses ou d’évènements obstétricaux et d’anticorps anti-phospholipides (aPL).
Le diagnostic de LS, en l’absence de lésions cutanées est souvent difficile à poser et il nécessite un examen clinico-biologique complexe.
Diagnostic biologique du LS
Des examens biologiques permettent d’étayer le diagnostic. Il s’agit principalement
- des auto-anticorps antinucléaires (ANN). Ils doivent être recherchés par immunofluorescence indirecte (IFI) sur cellules HEp-2 qui est la méthode de référence. C’est un excellent test de dépistage car leur négativité avec un titre <1/80 rend extrêmement improbable le diagnostic de LS. En revanche, leur présence est peu spécifique car également décelables dans de nombreuses circonstances, notamment dans d’autres maladies systémiques, certaines hépatopathies, hémopathies et viroses, prise de médicaments, voire chez des sujets sains. En cas de positivité des AAN, le laboratoire doit en préciser le titre et l’aspect. Il peut à son initiative pratiquer une recherche d’anticorps anti-ADN natif et d’anticorps anti-antigènes nucléaires solubles (ENA ou ECT) même si elle n’est pas
prescrite (par la technique de son choix).
• des auto-anticorps anti-ADN double brin (ou natif) d’isotype G
Leur recherche est moins souvent positive que celle des AAN dans le LS, mais ils sont beaucoup plus spécifiques.
D’autres anticorps peuvent être des indices d’un lupus – le PNDS détaille les différents types, leurs spécificités, les interprétations possibles et les technologies de dosage utilisées. Le document souligne qu’il est important de rappeler que les auto-anticorps seuls ne font pas le diagnostic de LS qui est évoqué d’abord sur des symptômes cliniques compatibles avec le diagnostic. - De nombreux autres examens biologiques vont participer au diagnostic du LS puisque c’est une maladie qui va impacter de très nombreux organes.
Syndrome de Sturge-Weber
Ce PNDS a été élaboré par le Centre de référence maladies rares de la peau et des muqueuses d’origine génétique (MAGEC). Le syndrome de Sturge-Weber (SSW) est un syndrome neuro-cutané rare causé par une mutation en mosaïque (somatique) du gène GNAQ ou GNA11 dans les tissus atteints. Il associe au moins deux des trois éléments de la triade caractéristique :
– sur le plan dermatologique, un angiome plan (malformation capillaire) crânio-facial dont la topographie inclut classiquement le territoire de la branche ophtalmique du trijumeau (V1)
– sur le plan neurologique, un angiome leptoméningé (AL) souvent homolatéral à l’angiome plan.
– sur le plan ophtalmologique, un angiome choroïdien, pouvant être responsable d’un glaucome et d’une choriorétinopathie exsudative.
Le document souligne qu’en matière de diagnostic biologique “le résultat de la recherche de mutation en mosaïque GNAQ ou GNA11 sur la peau ne modifie généralement pas la prise en charge, et sa réalisation n’est donc la plupart du temps pas nécessaire. Elle n’a pas d’intérêt pour le diagnostic, qui se fait cliniquement et radiologiquement. Le SSW est une affection sporadique, survenant en dehors de tout contexte familial. Cela s’explique par la survenue de novo de la mutation post-zygotique GNAQ ou GNA11, aux stades précoces du développement embryonnaire. Elle n’est pas transmise par un gamète parental. Lorsqu’un angiome plan, y compris crânio-facial et frontal, survient dans un contexte familial, il convient d’évoquer le diagnostic différentiel d’une affection héréditaire mendélienne rare, le syndrome CM-AVM (malformation capillaire – malformation artério-veineuse) par mutation hétérozygote du gène RASA1 ou EPHB4”.
Syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes par variant pathogène de THRB
Ce PNDS relatif au RHTβ a été élaboré par le Centre de Référence des Maladies Rares de la Thyroïde et des Récepteurs Hormonaux (CRMR-TRH).
La résistance β aux hormones thyroïdiennes (RHTβ) est une maladie rare correspondant à un défaut d’action des hormones thyroïdiennes sur leur récepteur β (TRβ). Le phénotype est très variable allant d’une absence de symptômes à des manifestations plus sévères. Il est surtout lié à la thyrotoxicose des tissus où le récepteur α aux hormones thyroïdiennes est prépondérant par rapport au TRβ. Le goitre est fréquent (66-95%) et sa présence associée à une pathologie nodulaire, notamment chez l’enfant, doit faire évoquer le diagnostic. Il peut aussi y avoir des manifestations cardiovasculaires, des manifestations neuropsychologiques, un syndrome du trouble de l’attention-hyperactivité ou une hyperactivité isolée, des troubles des apprentissages (retard du language), des troubles de l’humeur, des troubles cognitifs (retard de développement) peuvent exister. D’autres manifestations sont possibles comme des infections ORL et l’hypoacousie qu’elles peuvent engendrer.
Le diagnostic est donc biologique et correspond à une dissociation des dosages hormonologiques thyroïdiens, à savoir des hormones thyroïdiennes libres (tetra-iodothyronine, T4 et tri-iodothyronine, T3) (T4L et T3L) élevées en regard d’une TSH non abaissée. Cette dissociation est parfois retrouvée au décours d’une thyroïdectomie totale réalisée pour toute autre raison. La découverte d’une telle dissociation impose un avis spécialisé auprès d’un endocrinologue d’un centre expert. En effet, la RHTβ est un des diagnostics à évoquer mais d’autres diagnostics différentiels existent.
Arthrite juvénile idiopathique
Ce PNDS a été élaboré sous l’égide du Centre de référence des rhumatismes inflammatoires et maladies auto-immunes systémiques rares de l’enfant RAISE et de la Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares FAI²R.
Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) sont définies par la présence d’une arthrite avec une maladie débutant avant l’âge de 16 ans, qui évolue pendant au moins 6 semaines sans cause reconnue (infectieuse, tumorale ou autre). Il faut y penser chez un enfant qui présente soit un
gonflement articulaire, soit une gêne articulaire d’horaire inflammatoire (douleurs plus marquées en fin de journée et la nuit) avec un dérouillage matinal ou encore une lombalgie, une talalgie ou une fessalgie d’horaire mixte ou inflammatoire. Reconnaître l’arthrite et adresser rapidement l’enfant à une consultation de rhumatologie pédiatrique est un enjeu essentiel qui permettra de réduire l’errance diagnostique, de limiter les gestes invasifs et les séquelles à long terme. Le diagnostic repose essentiellement sur de l’imagerie et de la clinique. Certains examens paracliniques permettent d’étayer le diagnostic et d’éliminer les diagnostics différentiels : les signes biologiques sont ceux d’une inflammation d’intensité variable, parfois absente. La présence d’anticorps antinucléaires, sans spécificité anti-ADN ni spécificité anti-antigène soluble est fréquente et associée à un risque élevé de survenue d’uvéite. D’autre examens peuvent inclure la recherche de facteurs rhumatoïdes (FR) et anticorps anti-Peptides Cycliques Citrullinés (anti CCP) après l’âge de 6 ans – En revanche, la recherche du HLA B27 est à discuter avec centre expert car elle ne permet ni d’affirmer ni d’infirmer le diagnostic d’ERA ; 70% des patients atteints d’ERA sont porteur de cet allèle, mais il est également présent chez 6 à 10% de la population caucasienne non malade.
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