Martinique : La biologie face aux enjeux de l’insularité
Tests d’immunochimie, d’hématologie, de coagulation, d’hémoglobine glyquée… c’est sur le plateau technique ouvert du Lamentin, à proximité de Fort-de-France, que sont traités la plupart des prélèvements biologiques des laboratoires Cerballiance en Martinique. Ils proviennent des 14 sites de prélèvements du groupe, répartis un peu partout sur l’ile distante de près de 7 000 km de la métropole. Ouverts en novembre 2015, le plateau technique et le centre de prélèvement couvrent 400 m2. « Nous sommes deux biologistes médicaux à plein temps ici, secondés par deux autres, détaille Pierre Bancons, responsable du plateau technique et président de Cerballiance en Martinique, et nous sommes assistés par dix techniciennes-préleveuses et cinq secrétaires. » Deux autres plateaux, consacrés à la microbiologie et aux urgences, complètent ce réseau, pour lequel travaillent 15 biologistes médicaux. « Nous traitons environ 1 500 dossiers par jour », précise le biologiste médical, qui exerce depuis 15 ans en Martinique.
Anticiper est essentiel
Pierre Bancons, responsable du plateau technique du Lamentin et Président de Cerballiance en MartiniqueKatia Delaval
La chaine automatisée d’immunochimie, pilotée en permanence par une technicienne, occupe la place centrale de la zone technique où sont traités les échantillons sanguins et d’urines. Autour se trouvent les automates d’hémostase, d’hématologie, etc. « La plupart sont en doublon, pour ne pas risquer un blocage du traitement des échantillons », ajoute Pierre Bancons. Dans la même veine, le bâtiment est équipé de deux systèmes de climatisation, les machines risquant une mise en défaut si la température ambiante devient trop importante. « Nous disposons d’un groupe électrogène de 48 heures d’autonomie ; c’est absolument indispensable ici pour assurer une bonne continuité de fonctionnement. » C’est également dans ces locaux que se situe le serveur informatique de l’ensemble des laboratoires Cerballiance de Martinique. « Il y a trois ans, nous avons par ailleurs mis en place un magasin central, afin de limiter les délais d’approvisionnement qui peuvent être longs depuis la métropole. » Tout est mis en œuvre pour que les patients aient leurs résultats d’examens rapidement, malgré l’insularité et les aléas climatiques. « Nous ne fermons qu’en cas d’alerte rouge cyclonique, heureusement rare, afin que les salariés puissent rentrer chez eux. » Ici, encore plus qu’ailleurs, l’anticipation est primordiale.
Des paillasses à proximité de l’automate d’hématologie sont consacrées aux examens complémentaires réalisés par les biologistes. « Lorsque son alarme se déclenche, nous tirons des lames à partir du prélèvement en cause : leur observation au microscope peut alors nous orienter vers un diagnostic de leucémie », illustre Anne Agostini, biologiste médicale et responsable d’un laboratoire nouvellement ouvert au Marin (voir encadré).
Certaines pathologies sont plus fréquentes
Le quotidien des biologistes médicaux est aussi rythmé par quelques spécificités en lien avec la santé de la population locale. Certaines pathologies sont en effet plus fréquentes que sur le continent. C’est par exemple le cas du diabète, qui touche plus de 11 % de la population martiniquaise, et de la maladie rénale chronique. Les tests de µdiagnostic et de suivi de ces pathologies sont donc souvent pratiqués. « Nous réalisons également davantage d’électrophorèses de l’hémoglobine, car des maladies du sang, comme la drépanocytose, l’α-thalassémie et l’hémoglobinose C, sont davantage présentes qu’en métropole », indique Pierre Bancons. Côté infection, HTLV1 est plus présent dans la zone Caraïbe que dans l’Hexagone : des tests sérologiques de détection de ce virus oncogène sont pratiqués sur la plateforme du Lamentin.
PCR triplex pour arboviroses
D’autres maladies spécifiques des zones tropicales nécessitent une surveillance régulière, et leur détection fait ici partie des tests de routine. C’est notamment le cas des virus responsables de la dengue, cause d’épidémies périodiques. « La PCR est réalisée sur le plateau technique de microbiologie, et la détection d’anticorps sur celui du Lamentin », développe le biologiste médical. Au-delà de leur fonction diagnostique pour le patient, les résultats de ces tests sont utiles pour détecter des foyers infectieux. Repérés, ils sont communiqués à l’ARS de la Martinique qui peut mettre en place des opérations ciblées de démoustication pour limiter la propagation du virus. Même si cela ne semble pas être le cas actuellement, les virus Zika et celui du chikungunya, également véhiculés par des moustiques, ont été assez présents certaines années dans les Antilles françaises. « Nous sommes en mesure de réaliser des PCR triplex contre ces arbovirus, sur notre plateforme d’urgence. »
Chlordéconémie gratuite
Depuis quelques mois, le plateau technique a mis en œuvre un nouveau dosage sur les prélèvements sanguins, par chromatographie liquide haute performance couplée à la spectrométrie de masse : celui du chlordécone. Cette molécule toxique, utilisée comme pesticide dans les bananeraies des Antilles françaises jusque dans les années 1990, contamine les sols de l’ile et se retrouve dans certaines denrées. Les tests de chlordéconémie sont proposés gratuitement aux personnes qui souhaitent évaluer leur exposition, première étape pour la réduire.
Un nouveau laboratoire au Marin
Le 14e site de la Selas Cerballiance-Martinique a ouvert ses portes en décembre 2023, au Marin. « C’est le premier du réseau dans le sud de l’ile, précise Anne Agostini, qui en est la responsable. La nouvelle équipe du laboratoire pré/post-analytique est composée de 2 secrétaires, 1 technicienne et 1 IDE. »Ainsi, la Martinique compte maintenant 29 laboratoires de biologie médicale privés et 1 laboratoire hospitalier pour une population d’environ 360 000 habitants (source : ARS 2024).