Devant un syndrome hémolytique et urémique, vite une PCR !

Les diarrhées, le plus souvent sanglantes, à Escherichia coli producteur de Shiga toxine (STEC), aussi appelés E. coli entérohémorragiques (EHEC) sont principalement d’origine alimentaire. Leur complication majeure est le syndrome hémolytique et urémique (SHU). Lorsqu’un EHEC infecte un individu, sous certaines conditions, la bactérie produit massivement la Shiga toxine qui diffuse au niveau systémique, se fixe aux cellules endothéliales, est internalisée et induit la mort cellulaire par apoptose. « Le tableau du SHU associe une insuffisance d’organe, le plus souvent rénale, une thrombopénie et une hémolyse mécanique avec schizocytes », résume le Pr Stéphane Bonacorsi, microbiologiste au CNR E. coli (CHU Robert-Debré, AP-HP, Paris). Santé publique France (SpF) surveille l’incidence des SHU pédiatriques via le CNR E. coli : celle-ci est 10 fois plus élevée chez les moins de 3 ans que chez les enfants plus âgés, avec au total 100 à 150 cas par an. Chez les adultes, ce syndrome est plus rare et affecte principalement les patients âgés ou immunodéprimés.

Une PCR, tout de suite !

Deux déterminants génétiques caractérisent un EHEC typique : un ilot de pathogénicité LEE, dont le gène eae est caractéristique, et les gènes codant la Shiga toxine (Stx). On distingue deux types de Shiga toxine : Stx1 et Stx2. Le diagnostic repose sur la recherche par PCR des gènes codant Stx1 et Stx2, avec la détection de leurs sous-types majeurs stx1a,b,d et stx2a,b,c,d,e,f,g. Il est à noter que certains kits ne détectent pas le sous-type stx2f. « La PCR doit être réalisée systématiquement face à une diarrhée sanglante ou une suspicion de SHU, chez l’adulte autant que chez l’enfant. Attention, tout SHU n’est pas forcément précédé d’une diarrhée sanglante, ni même d’une diarrhée », précise le Pr Bonacorsi. Ce diagnostic doit être posé le plus rapidement possible, car, après le début du SHU, la PCR peut se négativer rapidement. Elle doit être réalisée directement sur les selles, mais en cas de négativité avec de forts arguments pour un SHU, elle peut être réalisée sur un bouillon d’enrichissement. En cas d’amendement de la diarrhée, il peut être pratiqué un écouvillonnage rectal.

Une PCR pronostique

En cas de diarrhée à STEC, il est important de distinguer Stx1 et Stx2, qui sont des facteurs pronostics importants, en particulier chez l’enfant, et de rechercher le gène eae – bien que pronostic dans une moindre mesure. Les souches stx2+ et eae+ présentent la plus grande virulence alors que les SHU à Stx1 sont rarissimes chez l’enfant. Toute PCR Stx+ doit être signalée rapidement au clinicien et l’antibiogramme ne doit pas être réalisé ou rendu systématiquement, sauf éventuellement pour l’azithromycine, seul antibiotique qui peut être proposé au cas par cas. Les SHU pédiatriques sont à déclarer à SpF, et les selles stx1/2+ à adresser rapidement au CNR E. coli (hôpital Robert-Debré) pour isolement, caractérisation, suivi épidémiologique et alerte si détection de cas groupés.

Cet article est issu d’une communication orale lors du congrès Microbes 2023 organisé par la Société Française de Microbiologie (SFM ; https://www.sfm-microbiologie.org/) qui a eu lieu du 4 au 6 octobre 2023 à Rennes.