La tuberculose “se moque des frontières” et profite des déplacements de population

La pandémie de la Covid-19 a provoqué un net recule dans la détection et la prise en charge de la tuberculose dans le monde. C’est le constat qu’avait dressé l’OMS dans son rapport global sur la tuberculose, à l’automne 2023. Les conclusions du document relevaient notamment que, pour la première fois depuis de nombreuses années , “Le nombre de personnes ayant accès aux soins antituberculeux a considérablement diminué en 2020 et ne s’est que partiellement rétabli en 2021, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de personnes décédant de la tuberculose et du nombre de personnes tombant malades.” Le rapport précise que 2022 a donné des signes encourageants de reprise de la détection et prise en charge de la tuberculose mais que “le monde dans son ensemble et la plupart des régions et des pays sont loin d’avoir atteint les étapes et les objectifs de la stratégie de lutte contre la tuberculose“. En 2022, la tuberculose était encore la 2e cause mondiale de décès dus à un seul agent infectieux – après le Covid-19 – et responsable de deux fois plus de décès que le VIH.

La France n’y a pas échappé

Dans l’éditorial du BEH du 19 mars 2024, François-Xavier Blanc, pneumologue au CHU de Nantes, précise que la France n’a pas échappé à cette sous-prise en charge de la tuberculose pendant la Covid-19, “avec une nette diminution du nombre de cas diagnostiqués, notamment du fait des confinements successifs et de la difficulté d’accès aux structures de soins habituelles“. Mais, surtout, comme ile le souligne se réfèrant à un des articles de ce numéro spécial tuberculose, “moins de la moitié des tuberculoses maladie déclarées en 2021 ont eu une issue de traitement renseignée. Or, le renseignement des issues de traitement constitue un indicateur indirect de la qualité de la prise en charge des patients et notamment de leur suivi. On peut donc craindre un relâchement des efforts menés depuis plusieurs décennies dans la lutte contre la tuberculose en France, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes sur le système de santé.”

Poursuivre la lutte

Les autres articles du numéro confirment aussi qu’il ne faut pas relâcher les efforts en matière de lutte contre la tuberculose qui reste une maladie d’actualité. En effet, une étude locale dans les Bouches du Rhône montre que le profil des patients, leurs parcours de soins peut grandement évoluer selon leurs propres profils socio-économiques et culturels et selon les modalités de prise en charge initiale. L’article invitant notamment à travailler sur la sensibilisation à la tuberculose auprès des médecins généralistes et à continuer à “aller vers” les populations les plus précaires pour les encourager à consulter. Il ne faut pas relâcher non plus les efforts, car avec l’arrivée massive de réfugiés ukrainiens par exemple, population où la prévalence des cas de tuberculose a été mesurée à 197/100 000 (alors que le taux en France est de l’ordre de 6-7 cas pour 100 000), le système de dépistage et de prise en charge a dû être très réactif et un article revient sur cette organisation des Clat – centre de lutte antituberculeuse – pour les réfugiés.

Antibiorésistance : les traitements s’adaptent

Alors que dans le monde, les bacilles multirésistants concernent 500 000 personnes par an, en France et en Europe de l’Ouest en général, les cas restent rares. La résistance fait l’objet d’une surveillance effectué par le CNR-MyRMA. Ce dernier a noté une augmentation des cas avec l’arrivée de populations ukrainiennes et géorgiennes. L’article du BEH révèle qu’aujourd’hui “des options thérapeutiques très efficaces existent maintenant pour les cas autrefois considérés comme très complexes à traiter. Ces nouveaux régimes ne comportent plus d’antibiotiques injectables, sont moins toxiques et sont désormais aussi courts que le régime standard de la tuberculose à bacilles sensibles.

La tuberculose laisse des séquelles

François-Xavier Blanc met aussi en avant la récente prise en compte récente des séquelles importantes pouvant affecter certains patients pourtant guéris de la tuberculose. Surrisque de mortalité, Surrisque de cancer bronchopulmonaire, bronchopneumopathie chronique obstructive  (même en l’absence de séquelles radiographiques), tests respiratoires anormaux sont parmi les séquelles les mieux référencées. Reste donc à élucider les processus à l’oeuvre au niveau physiologiques et immunologiques expliquant ces séquelles. D’autant qu’on estime à 2% de la population mondiale, les personnes ayant survécu à une tuberculose.

L’auteur de l’éditorial du BEH conclut ainsi : “Les événements survenus depuis 2020 tout comme les connaissances accumulées durant cette période nous ont appris que la tuberculose reste une maladie tragiquement d’actualité.”