Diagnostiquer l’hypertension artérielle secondaire

Pour rappel, on parle d’hypertension dès lors que la pression artérielle systolique est supérieure à 140 mmHg et/ou la pression artérielle diastolique est supérieure à 90 mmHg. On différencie l’hypertension artérielle essentielle (85 % des cas) multifactorielle, liée aux conditions de vie ou à la génétique et où aucune cause spécifique n’est identifiée, et l’hypertension artérielle secondaire, due à des causes sous-jacentes que l’on classe en quatre grands types.

Hyperaldostéronisme

L’hyperaldostéronisme primaire représente 6 % des hypertensions artérielles. Il est signé par une production anormale d’aldostérone dont la cause la plus fréquente est l’hyperplasie surrénalienne bilatérale. L’aldostérone est une hormone minéralo-corticoïde située dans le cortex de la surrénale qui fait partie du métabolisme des stéroïdes et du système rénine-angiotensine-aldostérone. Elle a pour effet d’augmenter la concentration en sodium contenue dans le sang (natrémie) afin de favoriser la hausse de la pression artérielle.

Le test de screening pour l’hyperaldostéronisme primaire est le rapport aldostérone sur rénine. On peut doser la rénine en évaluant soit l’activité rénine plasmatique (mesure de la conversion d’angiotensinogène en angiotensine), soit celle de la rénine directe, dont la concentration est alors mesurée par immunodosage. L’inconvénient de l’évaluation du rapport aldostérone sur rénine est le manque de standardisation entre les laboratoires. Idéalement, il faut faire un dosage à jeun le matin, car il existe des variations circadiennes, et répéter deux fois le ratio, en raison d’une variabilité élevée au sein de la même personne.

L’algorithme des guidelines indique que, si les valeurs d’aldostérone sont suffisamment élevées lors du screening avec le rapport aldostérone sur rénine, et s’il y a hypokaliémie, il est possible de réaliser directement le scan surrénalien. En revanche, dans les autres cas de ratio positif, il faut passer des tests de confirmation. Le principe est d’essayer d’inhiber la synthèse surrénalienne d’aldostérone, puis de mesurer les concentrations après suppression : dans le cas d’une hyperplasie, les taux seront trop élevés. Après avoir effectué un des tests de confirmation, le CT-scan est réalisé : soit l’atteinte est unilatérale et susceptible d’être traitée par surrénalectomie, soit l’atteinte est bilatérale. Dans les cas difficiles à trancher, le cathétérisme veineux surrénalien est alors indiqué. Il faut effectuer des prélèvements dans différentes veines et mesurer deux éléments : le gradient en cortisol, entre la veine cave inférieure et la veine surrénale, qui permet au radiologue de vérifier qu’il se situe bien dans la bonne veine, et le rapport aldostérone sur cortisol, pour évaluer s’il y a une latéralisation. Par exemple, un patient avec une surproduction claire à droite pourrait être éligible à une surrénalectomie. D’autres causes, plus rares, nécessitent une recherche génétique.

Causes rénovasculaires

Les deuxièmes causes d’hypertension artérielle secondaire sont rénovasculaires, conséquences d’une diminution du débit dans l’artère rénale afférente, par exemple en présence d’obstacle. La sténose de l’artère rénale est l’explication la plus fréquente. Chez ces patients, un bilan d’athérosclérose est indiqué.

Moins courante, la dysplasie fibromusculaire est caractéristique des femmes jeunes : le rein perçoit une diminution de débit due à l’obstacle et surexprime sa rénine ; comme le bilan biologique est aspécifique, il faut alors exclure toutes les autres causes. Un bilan auto-immun est réalisé pour les artérites, et il faut également exclure les autres causes.

Phéochromocytomes et paragangliomes

La caractéristique de ces tumeurs est la sécrétion de catécholamines, selon le métabolisme de la tyrosine, qui est responsable chez des patients d’hypertension sévère pouvant aller jusqu’à 20 à 25 de pression artérielle systolique. Dans la glande surrénale, la tyrosine se convertit en catécholamine. Chaque phéochromocytome peut posséder un profil d’expression particulier : noradrénaline, adrénaline ou dopamine. Les métanéphrines, des dérivés méthylés des catécholamines, aident au screening : elles sont produites en continu, donc leurs concentrations sont beaucoup plus stables et plus élevées que celles des catécholamines. Il y a toujours débat pour savoir s’il faut mesurer les métanéphrines dans le plasma ou dans les urines. La 3-méthoxytyramine, un métabolite de la dopamine, est également à doser, toujours à jeun, dans le plasma. Il existe des facteurs confondants susceptibles d’influencer les taux de catécholamines, en particulier le régime alimentaire (aliments riches en tyrosine comme le chocolat et le café), les médicaments, les drogues (cocaïne) et l’activité physique. Dernier marqueur : la chromogranine, non spécifique car présente dans toutes les tumeurs neuroendocrines. C’est un marqueur particulièrement utile pour les rares cas de phéochromocytome « silencieux » (qui ne sécrète pas de catécholamines). Après la biochimie, d’autres recherches sont menées par imagerie ou scintigraphie. Le phéochromocytome est l’une des tumeurs les plus héritées : dans 40 % des cas, il y a des mutations germinales. Les nouveaux algorithmes indiquent qu’il sera possible de mesurer seulement certains métabolites en fonction de la mutation génétique présente.

Syndrome de Cushing

Ce trouble endocrinien est dû à une sécrétion très importante de cortisol. Il existe des causes exogènes et des causes endogènes. Ces dernières sont soit dépendantes de l’hormone adrénocorticotrope dite ACTH (liées à l’hypophyse), soit ACTH-indépendantes (liées aux glandes surrénales). Le cortisol est très attaché aux protéines plasmatiques, mais il peut se trouver sous forme libre, surtout dans la salive et les urines. Trois tests de screening existent : le cortisol urinaire libre, le cortisol salivaire et le test de suppression à la dexamethasone. Si ces tests sont positifs, il faut les répéter, car une importante variabilité intra-individuelle existe. S’ils se confirment, il faut alors exclure un faux syndrome de Cushing : certaines maladies stimulent l’axe hypothalamo-surrénalien (dépression, alcoolisme, syndrome des ovaires micropolykystiques, etc.). En cas de vrai syndrome de Cushing néoplasique détecté, l’ACTH permet de distinguer les causes hypophysaires et surrénaliennes.

 

Cet article a été rédigé à la suite d’une présentation lors du congrès de la Corata, au Touquet, en juin 2023.