SFBC : S’ouvrir davantage aux plus jeunes, renforcer la francophonie

Biologiste infos : Nouveau logo, nouveau site, la SFBC s’est refait une beauté cette année ; qu’est-ce qui a motivé ces changements ?

Katell Peoc’h : Effectivement, nous avons renouvelé notre image. La SFBC n’avait pas encore suffisamment pris le virage de la modernité numérique, il était temps que nous nous équipions d’outils modernes et performants pour communiquer et être plus visibles. Nous avons donc travaillé cela pour dynamiser notre communication, tant à l’extérieur de la société savante qu’auprès de nos adhérents. Dans cet état d’esprit, nous modernisons aussi nos outils de formation continue et avons ainsi lancé notre premier webinaire. Nous essayons également d’être beaucoup plus présents sur les réseaux sociaux. Notre objectif est de nous renouveler en impliquant en particulier les jeunes, à qui l’avenir appartient.

Le recrutement de jeunes biologistes est-il plus difficile qu’avant ?

K.P. : Ils ont clairement moins de temps pour s’investir dans les sociétés savantes que nous en avions. Ils sont aussi beaucoup plus pragmatiques, ils sont plus dans la fonction que dans le paraitre. Ils n’adhèrent à une société que s’ils pensent que cela va leur apporter quelque chose, pour défendre leurs intérêts ou pour avoir accès à de l’information, par exemple. C’est pourquoi nous avons noué des partenariats avec les principales publications scientifiques pour qu’ils aient un accès facile à cette information, et nous venons de créer, à l’instar des sociétés internationales, une structure spéciale pour les jeunes bio- logistes baptisée BNCG, « Biologie clinique nouvelle génération », dans laquelle ils pourront s’investir et s’engager dans des projets d’avenir.

Le slogan sur votre site Internet est « Une société savante pour une vision d’ensemble de la biologie médicale ». Pouvez-vous préciser quelle place vous voyez pour la SFBC au sein des autres organismes liés à la biologie médicale en France ?

K.P. : Nous sommes une profession très émiettée tant sur le plan de la formation (double filière) que dans les statuts ou dans la pratique. Il est difficile d’avoir une vision globale, d’être unis et de parler d’une seule voix. Dans ce contexte, la SFBC aspire, pour commencer, à rester à sa place de société savante – nous ne sommes pas un syndicat, nous n’avons pas pour vocation de prendre part aux débats et aux revendications en matière de statuts professionnels, de rémunération, etc. Notre rôle est de soutenir l’innovation et d’apporter une expertise scientifique à tous et auprès des institutions de gouvernance comme la HAS ou la DGOS. Par ailleurs, même si notre orientation est très marquée par la biochimie et la biologie moléculaire, nous aspirons à rester multidisciplinaire et à couvrir tous les champs de la profession et toutes les pratiques. Nous acceptons donc autant les membres de la biologie libérale que les chercheurs et, sous certaines conditions, les industriels. Nous voulons rester ancré dans la réalité professionnelle, et pas être apparenté à un collège d’enseignants- chercheurs universitaires.

Pour 2024, avez-vous des projets d’évènement de type congrès ou séminaire organisé en propre ?

K.P. : Nous travaillons effectivement à relancer cette activité et particulièrement sur l’organisation d’un évènement en propre, mais, comme nos membres sont bénévoles, nous avançons à notre rythme et n’avons pas encore de date. Pour le moment nous œuvrons, en collaboration avec la société savante belge, à un symposium satellite d’EuroMedLab 2025, le congrès de la société européenne de biologie clinique (IFCC-EFLM) qui aura lieu à Bruxelles du 18 au 22 mai 2025.

Vous représentez la France auprès des sociétés internationales ; quelle est votre activité en la matière ?

K.P. : Aujourd’hui, au niveau international, outre notre rôle classique de représentation de la France auprès d’instances comme la Fédération européenne de biologie médicale (EFLM) ou l’International Federation of Clinical Chemistry (IFCC), nous avons la volonté de fédérer les sociétés francophones au sein de la Fédération Internationale Francophone de Chimie et Biologie Médicale de Laboratoire (FIFCBML). Nous sommes ainsi en contact avec les sociétés de Belgique, d’Afrique du Nord, du Liban… et nous souhaitons nous rapprocher d’autres pays africains francophones et du Québec. Structurer un véritable réseau de professionnels et de chercheurs francophones est essentiel pour la diffusion de la connaissance et de l’information. Aujourd’hui, les sociétés internationales prennent conscience que la barrière de la langue n’est pas anecdotique pour une majorité. C’est pourquoi nous sommes aussi actifs pour la traduction de publications et de questionnaires en français auprès des instances internationales.

Vous occupez aussi un rôle de soutien à l’innovation ; quelle forme cela prend-il ?

K.P. : Nous jouons un rôle d’accompagnement en matière d’innovation. Cela prend la forme d’évaluations scientifiques aidant le passage de résultats de recherche translationnelle à la pratique clinique. Nous pouvons être sollicité ou nous emparer de sujets divers pour en évaluer l’intérêt scientifique, l’impact en santé publique et le cout, comme nous le faisons sur la métabolomique. Nous émettons ensuite des recommandations en matière de standar- disation des paramètres, comme pour la troponine, ou faisons connaitre des recherches sur des biomarqueurs peu développés, comme les neurofilaments. Nous pouvons jouer un rôle en amont des dossiers de remboursement pour évaluer la qualité de certains tests, en collaborant avec les DGOS, CHAB, HAS, etc.

Selon vous, quels défis vont devoir affronter les biologistes dans les années à venir ? Pensez-vous qu’ils sont prêts ?

K.P. : Les défis sont extrêmement nombreux et en grande partie liés aux évolutions techno- logiques : numérisation de l’ensemble de la chaine du pré-analytique au post- analytique, arrivée de l’intelligence artificielle impliquant des changements de pratique et d’organisation et un cadrage de son utilisation, intégration des nouveautés de la norme ISO 15189, importance croissante du dialogue pluridisciplinaire clinico- biologique, nouvelle place occupée auprès des patients en dépistage, prévention, orientation, arrivée massive de nouveaux biomarqueurs, et enfin intégration des pratiques dans un cadre de dévelop- pement durable. Le tout dans un contexte de diminution du nombre de professionnels et de financiarisation des structures. Les biologistes ont le potentiel pour réussir à relever ces défis, mais ils ont besoin d’être soutenus dans leurs nouvelles prérogatives. Il faut revoir leur place de manière plus formelle dans les parcours de soins.