Infertilité : Nouveautés normatives en spermiologie

« Le guide OMS 2021 recense 15 % de couples infertiles dans le monde », rappelle le docteur Ahmed Chargui, biologiste au CECOS de l’hôpital Cochin. À travers le monde, 400 à 450 millions d’hommes ne peuvent concevoir. Les cas d’infertilité strictement masculine représentent environ 20 % des cas totaux d’infertilité des couples, auxquels se rajoutent environ 40 % de causes d’infertilité mixte.

La première édition du guide OMS, intitulé Manuel de laboratoire pour l’analyse du sperme et l’interaction du sperme avec le mucus cervical, a été publiée en 1980 ; le guide 2021, publié le 5 janvier 2022, en est la 6e édition (voir son analyse SWOT2), venant supplanter la précédente de 2010.

Acquis et continuité par rapport à 2010

Cette édition se base sur les acquis de la précédente, dans une démarche détaillée de description des procédures techniques et avec un grand chapitre consacré à l’approche d’assurance qualité. « Les données incluent de nouveaux pays, passant de plus de 1 900 recueils de sperme dans 8 pays (Europe, Amérique du Nord, Océanie) à plus de 3 500 dans 13 pays, avec 2 nouveaux pays représentés en Europe du Sud, 2 en Asie et 1 en Afrique du Nord », considère le docteur Chargui. La grande nouveauté est l’abandon de la notion de valeurs seuil au profit de valeurs de référence. « Il s’agit de valeurs utiles, prédictives (“decision limits“), dans un intervalle de confiance de 95 % de la population1, d’où une approche plus systémique de l’infertilité. » L’exploration spermatique voit sa place réaffirmée dans le diagnostic de la fertilité et de l’infertilité, dans l’évaluation de la fonction et de la santé reproductive masculine, dans le choix de la technique d’assistance médicale à la procréation (AMP), dans le suivi d’un traitement andrologique, et dans l’évaluation de l’efficacité d’une contraception masculine. Une nouvelle classification des examens de sperme est présentée, avec des examens basiques ou de deuxième intention et des tests avancés ou de recherche, et avec une mise à jour des procédures techniques, intégrant des techniques émergentes sans microscope (intelligence artificielle), et abandonnant certains tests obsolètes (test de Hühner, test de liaison à la zone pellucide).

Nouveautés pour l’examen basique

Le guide consacre un retour de la distinction de quatre catégories de mobilité, après une lecture de 200 spermatozoïdes (au moins et si possible), sur microscope avec une platine chauffante (35 à 37 °C, avec lames et lamelle préchauffées à 37 °C) : la mobilité progressive rapide (> 25 mm/s), la mobilité progressive lente (5 à 25 mm/s), la mobilité non progressive (< 5 mm/s) et l’immobilité. Les concentrations spermatiques sont bien simplifiées, avec une lecture de 200 spermatozoïdes par dépôt sur deux dépôts. « Le gain en sensibilité par rapport à la pratique du guide 2010 permet de rendre une concentration avec une limite basse non plus de 1 million par mL, mais jusqu’à 56 000 par mL, avec un risque d’erreur de +/−14 %. Le guide propose aussi un accompagnement didactique pour le rendu des concentrations basses, voire très basses », note le coteur Chargui. La vitalité spermatique n’est à évaluer que si la mobilité totale est inférieure à 40 % (contre une mobilité progressive < 40 % en 2010). La classification de Krüger est toujours utilisée pour la morphologie spermatique. L’approche est systématique et ne s’arrête pas sur une seule anomalie. « Les exemples et les micrographes sont d’une grande aide, avec des morphologies normales, borderline, anormales, ainsi qu’un guide de l’évaluation morphologique. » Enfin, on remarque la disparition de certains termes : normo-, asthéno-, nécro- et térato- zoospermie. « La notion de valeurs utiles laisse la place à une approche globale et multiparamétrique pour le diagnostic et la prise en charge en AMP. »

Examens de deuxième intention et recherche

« Grande nouveauté, l’étude de la fragmentation de l’ADN spermatique passe du statut d’un examen de recherche à un examen de deuxième intention, au même titre que le bilan génétique, comme le caryotype ou la recherche des micro- délétions du chromosome Y », note le docteur Chargui. Le guide propose aussi une description détaillée (dosages, dilutions, etc.) des différentes techniques et un guide d’interprétation. « Il manque cependant les indications dans lesquelles proposer ce test de fragmentation, ainsi que les valeurs seuil et décisionnelles, ce qui rejoint la nouvelle logique du guide », juge-t-il. Une autre autre nouveauté est introduite : il s’agit de la description des tests génétiques pour l’exploration de l’aneuploïdie spermatique, à savoir la FISH (hybridation in situ sur les chromosomes 13, 18, 21, X et Y), avec un guide d’interprétation, des valeurs seuil décisionnelles et des indications élargies, au-delà des anomalies qualitatives et quantitatives du caryotype, à une fragmentation de l’ADN spermatique élevée, aux fausses couches à répétition en conception naturelle ou post-AMP et aux échecs de fécondation et culture embryonnaire en FIV/ICSI. Les chapitres sur les techniques avancées ou de recherche font état, entre autres, de techniques d’analyse du stress oxydatif séminal, comme la luminométrie ou l’évaluation électrochimique du potentiel redox du liquide séminal, c’est-à-dire le pouvoir réparateur du sperme face à un stress oxydatif.

La norme ISO 23162 : Un lien entre le guide OMS et l’accréditation des LBM

Appropriation et consolidation du guide OMS, la norme garantit la performance des laboratoires par :

  • un chapitre sur le maintien des compétences ;
  • l’introduction d’une aide aux calculs et à la présentation des résultats ;
  • la précision de ce qui doit être présent dans un compte rendu de spermogramme.

En outre, elle contient des annexes très utiles pour l’aide technique à la validation de méthodes et pour l’évaluation des paramètres spermatiques.

« La norme inclut une mention importante – qui n’existe pas dans le guide OMS – à un essai de non- toxicité sur les spermatozoïdes, qui vise à évaluer la mobilité des spermatozoïdes sur chaque nouveau lot de matériel en contact direct avec les spermatozoïdes, dont la toxicité n’est pas évaluée par les fournisseurs », précise le docteur Ahmed Chargui, du CECOS de Cochin.

La seule différence notable avec le guide OMS concerne l’absence de distinction, dans cette norme, entre les mobilités progressives lente et rapide, et donc une expression du résultat en mobilité progressive, non progressive et nulle.

Concernant cette différence, le docteur Chargui insiste sur le fait d’exprimer la mobilité spermatique en quatre sous-catégories, comme indiqué par le guide OMS 2021.

 

Notes

Cet article est issu d’une conférence qui s’est tenue le 17 novembre 2023, lors de la 66e édition des JIB.

Références

  1. Campell, et al., Andrology. 2020 Nov.
  2. Boitrelle, et al., Life. 2021 Nov.