Optimiser la prise en charge de l’insuffisance cardiaque
Professionnels et acteurs de santé, sociétés savantes et associations de patients se sont réunis dans le cadre du programme national Optim’IC afin d’identifier des axes d’amélioration du parcours de soin des patients insuffisants cardiaques, présentés le 22 juin dernier.
Encore largement méconnue, l’insuffisance cardiaque touche 1,5 millions de patients en France et est responsable chaque année de 70 000 décès et 165 000 hospitalisations. « Il y a urgence ! » assène Thibaud Damy, professeur des universités-praticien hospitalier, cardiologue au CHU Henri Mondor de Créteil, et président du programme institutionnel Optim’IC. « Avec le vieillissement de la population le nombre de patients touchés augmente de 25% tous les quatre ans depuis 2010. En parallèle, la démographie médicale chute. Il faut impérativement réinventer un nouveau parcours de soin du patient insuffisant cardiaque » argumente-t-il. Optimiser la prise en charge de ces patients, c’est justement l’objet de la démarche nationale Optim’IC qui réunit professionnels et acteurs de santé, sociétés savantes et associations de patients depuis un an pour identifier des axes d’amélioration, présentés lors du colloque Optim’IC le 22 juin dernier.
Quatre axes de réflexions pour des solutions concrètes
Ce projet a ainsi permis d’identifier quatre cadres de réflexion : systématiser le dépistage précoce de l’insuffisance cardiaque et de ses comorbidités ; optimiser les parcours autour de filières territoriales ; mieux partager l’information pour limiter les pertes de chance d’accès aux soins ; faire du financement au parcours un succès pour les patients et les soignants. « La complémentarité ville-hôpital est primordiale. Les patients légers devraient être traités en ville, afin d’éviter les hospitalisations dans la mesure du possible » met en avant Thibaud Damy. « Les patients doivent être acteurs de leur santé. Il est essentiel d’informer, de sensibiliser le grand public aux signes précurseurs de l’insuffisance cardiaque, qui peuvent parfois être confondus avec les effets de l‘âge » pointe Philippe Thébault, Président de l’association Alliance du Cœur, Membre du Board National Optim’IC. “Les quatre signes de l’IC sont trop peu connus de la population et des professionnels : E.P.O.F (Essoufflement, Prise de poids (liée à la rétention d’eau), Oedèmes des pieds, Fatigue)” précise le professeur Damy. « Les biologistes médicaux ont un rôle majeur à jouer. Présents sur le terrain grâce à l’important maillage territorial que nous avons la chance d’avoir en France, ils sont à même d’avoir une vue globale des analyses du patient et de détecter les co-morbidités et doivent être perçu comme des acteurs clés du dépistage et du suivi thérapeutique » ajoute le professeur Hervé Puy, médecin biologiste, biochimie et Biologie Moléculaire Université de Paris, directeur Médical DMU BioGeM – APHP Nord, directeur équipe Heme Iron and Oxydative Stress INSERM U1149, Centre Français des Porphyries- filière maladies rares G2M, et membre du Board National Optim’IC.
A travers ces axes d’amélioration, « L’objectif de ce projet est de sensibiliser et orienter les pouvoirs publics et acteurs institutionnels en proposant des actions concrètes venant du terrain » résume le docteur Michel Fanget, Député de la quatrième circonscription du Puy-de-Dôme, membre de la commission des Affaires étrangères, et conseiller régional.
Systématiser le dépistage précoce
Le dosage des peptides natriurétiques, BNP et NT-pro BNP, utilisé depuis une quinzaine d’années dans le diagnostic de l’insuffisance cardiaque s’est progressivement affinée. D’abord dédié aux urgences hospitalières, il est à présent utilisé dans le suivi des patients, notamment en ville. Leur application pour le dépistage de populations à risque, en particulier dans les déserts médicaux, est actuellement envisageable. « Il est capital de dépister nos patients le plus tôt possible » affirme le professeur Puy.
Par ailleurs, le dépistage des comorbidités, qui aggravent les symptômes, allongent les hospitalisations et impactent la qualité de vie des patients, ne doit pas être négligé. L’une des plus fréquente, identifiée récemment, est la carence martiale. « 60% des patients qui décompensent sont carencés en fer. Pourtant, cette carence martiale est encore assez peu connue dans le milieu médical » contacte le professeur Puy. Ses symptômes sont similaires à ceux de l’insuffisance cardiaque (fatigue, essoufflement et baisse des performances physiques) et passent facilement inaperçus. « Le suivi de la carence martiale par la mesure de la ferritine, et du CST devrait être systématiquement associé à la mesure des peptides natriurétique. Pour cela, il serait nécessaire de repenser les recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé) de 2014 à la lumière de ces données récentes » analyse le professeur Puy. D’autant plus qu’il s’agit d’une co-morbidité facile à prendre en charge, avec un traitement en fer.