Aspergillus, modèle d'étude pour une approche "One Health" de l'émergence de résistance

Un rapport co-rédigé par cinq agences européennes pour la santé et l'environnement met en évidence comment l'impact de de l'utilisation des fongicides en agriculture sur l'émergence de la résistance chez Aspergillus spp et ses conséquences pour la santé animale, végétale et humaine.

Par Sophie HOGUIN, publié le 20 mars 2025

Aspergillus, modèle d’étude pour une approche « One Health » de l’émergence de résistance

Pour la première fois, la Commission européenne avait commandé une évaluation impliquant l’ensemble des cinq agences sanitaire de l’Union européenne et du Centre commun de recherche (JRC). Il s’agissait d’évaluer l’incidence des fongicides non médicaux azolés sur le développement d’Aspergillus spp. résistant aux azolés.

Quelles sont les 5 agences de l’UE ?

  • L’ECDC, l’European Centre for Disease Prevention and Control
  • L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA)
  • L’Agence européenne pour l’environnement (AEE)
  • L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)
  • L’Agence européenne des médicaments (EMA)

La demande de la Commission

La demande de la Commission portait sur :

  • l’étude des types et des quantités de fongicides azolés non médicaux utilisés dans l’UE;
  • l’évaluation du lien entre l’utilisation non médicale des azoles et le développement de la résistance aux azoles chez Aspergillus spp. ainsi que les risques connexes pour la santé humaine ;
  • l’identification des « points névralgiques environnementaux » en matière de développement de la résistance aux azoles chez Aspergillus spp. ;
  • l’identification des mesures de gestion des risques pour prévenir et contrôler le développement et la propagation de la résistance aux azoles dans l’environnement et sa propagation aux êtres humains ;
  • l’identification des lacunes actuelles en matière de données et les recommandations pour les recherches futures ;
  • la rédaction de recommandations sur les exigences en matière de données en ce qui concerne les futures demandes d’approbation de fongicides azolés.

Quels bilans ? L’émergence d’une résistance croisée

Le résumé du rapport révèle ainsi « qu’entre 2010 et 2021, environ 120 000 tonnes de fongicides azolés ont été vendues dans l’UE/EEE (Espace économique européen) à des fins non médicales. Plus de 119 000 tonnes de ces azoles ont été utilisées pour la protection des plantes, avec une moyenne annuelle stable de 10 000 tonnes.

Des éléments de preuve substantiels confirment l’existence d’un lien entre l’exposition aux fongicides azolés dans l’environnement, la résistance aux azoles chez Aspergillus spp. et la résistance croisée aux azoles médicaux (voie de résistance environnementale). Ce lien a été démontré pour A.fumigatus, mais est moins clair pour d’autres Aspergillus spp.

L’utilisation non médicale d’azoles contribue probablement à la sélection environnementale d’A.fumigatus résistant aux azoles, ce qui pourrait conduire à des infections provoquées par A. fumigatus résistant aux azoles. Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour estimer l’ampleur de cette contribution.

Sur la base de la dynamique de la sélection écologique, les points critiques environnementaux identifiés pour la sélection de la résistance aux azoles sont les suivants :

    • agriculture : déchets agricoles stockés utilisés pour améliorer et fertiliser le sol pour diverses cultures (légumes fruitiers d’intérieur, raisin de cuve, maïs, betterave sucrière, olives, fruits à pépins, agrumes et amoncellements dans les champs) ;
    • biocides : bois fraîchement coupé.

La prévalence signalée d’infections par A. fumigatus résistant aux azoles chez l’homme parmi toutes les infections par A.fumigatus varie selon le type d’aspergillose et la région géographique (AI : 0,7-63,6 %, ACP : 5,9-59,2 %, ABPA : 2.3–42.8 %).

La résistance aux azoles a des implications cliniques significatives, en particulier pour l’AI A.fumigatus résistante aux azoles, les taux de mortalité étant de 36 à 100 %. Les implications cliniques de l’aspergillose chronique pulmonaire (ACP) et de l’aspergillose bronchopulmonaire allergique (ABPA) sont moins documentées. »

Retrouvez le point que Sarah Dellière avait effectué à la Ricai 2023 sur ce sujet dans cet article.