Premières annonces du PLFSS 2025 : de fil (de fer) en anguille (sous roche) ou comment la gestion des filières du diagnostic inquiète les autres acteurs de la santé
Jeudi 10 octobre 2024, le gouvernement a présenté son projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025... La biologie et la radiologie sont montrés du doigt comme des "secteurs dynamiques", entendons par là, dont les dépenses augmentent (trop) rapidement et qu'il faut juguler via la négociation d'accords conventionnels - mais les biologistes l'expérimentent depuis plusieurs années, les négociations sont déjà faussées.
En réaction à la présentation du gouvernement, un article du quotidien du médecin titre pour résumer “PLFSS : radiologues et biologistes, dindons de la farce ?”
Question que se pose en effet les biologistes médicaux depuis de longs mois. Ainsi, rappelons que le gouvernement propose aux biologistes de continuer de fonctionner avec les accords conventionnels habituels de 3 ans fixant des plafonds de dépenses en fonction de prévisions et des objectifs de la Sécurité sociale. Mais depuis plusieurs mois, la CNAM et les biologistes sont en froid : lors de la négociation de l’été 2023, les accords ont été signés en fonction de chiffres fournis par la Sécurité sociale qui se sont avérés inexacts. En l’occurrence en deçà de la réalité. La CNAM a donc décidé de réajuster la trajectoire en fonction des nouveaux chiffres en décidant de nouvelles baisses unilatérales de la cotation des actes des biologistes. Après celles consenties en 2023 et début 2024.
Le PLFSS pour 2025 propose de pérenniser ce fonctionnement en l’encadrant par des textes mais surtout propose qu’en cas d’augmentation des volumes selon une trajectoire différente de celle prévue ou en cas d’échec des négociations, la CNAM aura la main, seule, sur d’éventuelles baisses de cotation.
Que dire de négociations où l’enjeu est de signer des baisses consenties dictées par la CNAM ou les subir de toute façon…
L’imagerie, un premier pas avant les autres
Ce système de conventionnement sera appliqué au secteur de l’imagerie dès 2025. Une décision qui a aussitôt fait réagir la Fédération national des médecins radiologues (FNMR) : “L’objectif d’économies demandé par le Gouvernement est de 300 M€ minimum sur 3 ans. C’est impossible. Ce montant s’ajouterait aux 180 M€ de produits de contraste pris en charge par les médecins radiologues depuis 2024. […] La FNMR demande la suppression de ces dispositions incompatibles avec la mise en place d’une pertinence véritable au bénéfice de la prise en charge optimale des patients.”
Mais, ce fonctionnement autoritaire est proposé aux autres champs conventionnels sous peu. En effet, l’article 15 de l’annexe 9 du texte (p82) explique ainsi que “Le champ d’application de ces protocoles aurait pu concerner l’ensemble du champ conventionnel. Dans un souci d’acceptabilité de la mesure, il est toutefois proposé de s’en tenir dans un premier temps aux secteurs de la biologie et de l’imagerie.”
D’autres secteurs inquiets
Les infirmières libérales ont ainsi aussitôt fait par de leur inquiétude comme dans ce communiqué de Convergence infirmière du 11 octobre qui explique les possibles implications d’un tel fonctionnement : “Pour les infirmières et les infirmiers libéraux, prenons l’exemple de l’avenant 6 avec le BSI et la clause de revoyure signé par les deux syndicats habituels. Si demain l’enveloppe est dépassée comme cela a déjà été le cas, la CNAM pourra baisser d’autorité le montant des forfaits. De la même manière, si demain l’enveloppe dédiée aux perfusions est dépassée, la CNAM pourra baisser sans discussion le montant des honoraires. Convergence Infirmière va évidemment rédiger un amendement d’abrogation de cet article et demander aux députés et aux sénateurs de supprimer ces dispositions qui méprisent le nécessaire dialogue entre les syndicats et les instances et le rôle des représentants des professionnels de santé.”
Coup de baguette magique
Pour réussir à tenir les objectifs fixés par la CNAM, les biologistes et les radiologues doivent être aidés par une extension des mesures de pertinences des actes dans lesquels ils seront pleinement associés. Ils seront en effet en charge de vérifier si les prescriptions sont justifiées en fonction du contexte fourni par le médecin – auquel cas l’acte ne sera pas remboursé…
Mais comme le souligne la FNMR dans son communiqué : “La pertinence des actes ne se décrète pas. Elle impose une formation et l’acceptation des médecins demandeurs et une information des patients. C’est un changement de culture et de mentalité comme prouvé par les expériences précédentes. Par exemple, la baisse de consommation des antibiotiques a nécessité de nombreuses campagnes de communication de l’assurance maladie.”
Une politique active d’ailleurs réclamée depuis de nombreuses années par les biologistes et les radiologues. Et qui ne pourra donc pas d’un coup de baguette magique changer la trajectoire des dépenses dans un délai aussi court que l’envisage un PLFSS…