1er Forum tunisien de biologie médicale : Faire face aux défis du secteur

Dans un contexte de refonte de la biologie médicale en Tunisie, les 37èmes Journées Nationales de Biologie Clinique (JNBC) et les 2èmes journées du syndicat Tunisien des Biologistes Privés (STBP) se réunissent lors d’un événement commun les 3, 4 et 5 octobre 2024, à Tunis. Un riche programme est à l’ordre du jour de ce premier Forum tunisien de biologie médicale. Éclairages avec les Pr Manel Chaâbane, Présidente de la Société Tunisienne de Biologie Clinique (STBC) et le Dr Khalil Ben Abdallah, Président de la STBP.

Propos recueillis par Lila Bouber, publié le 19 septembre 2024

1er Forum tunisien de biologie médicale : Faire face aux défis du secteur

Biologiste365 : Pourquoi avez-vous choisi d’organiser un événement conjoint cette année ? 

Khalil Ben Abdallah : La STBC et le STBP ont toujours collaboré pour promouvoir la biologie médicale en Tunisie et constituer une réelle force de proposition pour son développement. Notre secteur fait face à de nombreux défis, dont celui de l’évolution des technologies diagnostiques, auquel le modèle actuel des laboratoires de biologie médicale ne répond pas. Il est donc nécessaire de rassembler tous les biologistes pour définir une nouvelle vision de la biologie médicale dans notre pays. L’idée de la co-organisation de cet événement est née de ce constat.

Quelles sont les principales thématiques au programme ? 

Manel Chaâbane : Nos thématiques scientifiques sont basées sur les dernières actualités de la biologie médicale, notamment, la place du séquençage à haut débit et de l’intelligence artificielle, la médecine de précision, l’étude des microbiotes vaginaux et endométriaux et leur intérêt dans la santé reproductive, l’évaluation biochimique de l’état nutritionnel et la pharmaco-toxicogénétique. D’autres sujets liés aux enjeux de santé publique seront également abordés, comme le plan national de lutte contre l’antibiorésistance, les marqueurs biologiques de l’alcoolisme, le diagnostic biologique de l’hépatite B et des hémoglobinopathies, ainsi que le diagnostic biologique de l’infertilité masculine. Enfin, des thématiques professionnelles sont aussi programmées, puisque nous discuterons de l’état des lieux et des perspectives de la gestion des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de l’accréditation des laboratoires d’analyses médicales, de l’organisation du secteur de la biologie environnementale, et bien sûr de l’avenir de l’exercice de la biologie médicale.

La Tunisie est dans une période de grande refonte de sa biologie médicale. Quels sont les enjeux ?

K. AB. : Nous sommes à un tournant crucial et confrontés à plusieurs défis majeurs qui nécessitent une transformation profonde. Les cadres réglementaires vieillissants ne répondent plus aux besoins actuels ni aux avancées technologiques de la profession, comme le montre la loi-cadre de 2002, inadaptée face aux progrès technologiques et à une nomenclature devenue obsolète. Une révision législative s’impose aussi pour permettre le regroupement des laboratoires sous des formes modernes, comme les SARL, les groupements d’intérêt économique (GIE), ou encore les coopératives, facilitant ainsi leur mutualisation en plateaux techniques. La création de laboratoires multi-spécialisés intégrant différentes spécialités du diagnostic (biologie médicale, génétique, anatomopathologie, biologie vétérinaire, biologie de l’environnement) devient également essentielle pour améliorer la qualité des soins. La refonte doit aussi inclure le renforcement de la formation et la valorisation des professionnels, par des incitations financières et des programmes de développement de compétences, ainsi que des investissements dans les nouvelles technologies et l’accréditation des laboratoires pour garantir une meilleure qualité de service. Enfin, une amélioration du financement par des partenariats public-privé, une couverture élargie des actes par la CNAM, et une décentralisation des infrastructures, sont fondamentaux pour garantir un accès équitable à tous les citoyens.

Concrètement, quels sont les principaux problèmes rencontrés par les biologistes médicaux aujourd’hui ?

M. C. : Dans le secteur public, le budget alloué n’est jamais conforme à la demande ni aux coûts réels des analyses. L’évolution des techniques et l’adoption de nouvelles technologies telles que la biologie moléculaire, la microscopie et la chromatographie en phase liquide à haute performance ont entraîné une hausse des coûts des réactifs et des équipements, sans que les tarifs des analyses ne suivent cette augmentation. Cette situation complique l’introduction de nouvelles analyses, le développement de laboratoires de référence et la pérennité des services. La difficulté à assurer un approvisionnement stable en réactifs est également un problème majeur pour les 650 laboratoires privés du pays. 

Avez-vous des partenariats au niveau national et international ? 

M. C. : À l’échelle internationale, la STBC est membre de la Fédération Arabe de Biologie Clinique (AFCB), membre fondateur de la Fédération Internationale Francophone de Biologie Clinique et de Médecine de Laboratoire (FIFBCML), et aussi affiliée à la Fédération Internationale de Chimie Clinique et de Médecine de Laboratoire (IFCC). D’ailleurs, nous organiserons deux sessions en collaboration avec l’AFCB et la FIFBCML sur les tests de diagnostic rapides et la médecine de précision, durant le forum. Nous avons aussi des partenariats avec des syndicats et des sociétés savantes françaises, algériennes, marocaines, libanaises, palestiniennes et grecques. Sur le plan national, la STBC est partenaire des facultés de médecine et de pharmacie, de l’Institut National d’Évaluation et d’Accréditation en Santé (INEAS) et du STBP, bien sûr ! Nous collaborons avec ces structures pour organiser des formations continues et favoriser l’échange d’expériences. Nous participons également à l’élaboration de guides pratiques avec nos experts siégeant dans des groupes de travail, sous l’égide des sociétés savantes ou de l’INEAS. Enfin, la STBC et le STBP sont représentés au sein de la commission inter-ordre pour la biologie médicale. Cette commission a pour objet de coordonner les travaux sur la biologie médicale entre le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens (CNOPT) et le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOPT), afin d’émettre des propositions communes émanant des pharmaciens et des médecins biologistes pour tout ce qui concerne l’exercice de la biologie médicale en Tunisie.
Les chantiers sont nombreux, mais les échanges et les efforts conjugués nous rendent optimistes quant à l’avenir de la biologie médicale en Tunisie.

Retrouvez le programme du premier forum tunisien de biologie médicale – les 3,4 et 5 octobre à Tunis

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