Réactions au livre blanc de la section G : "Le problème reste entier" ?

Il y a une quinzaine de jour, le jeudi 10 avril, la section G (biologie médicale) de l'Ordre des pharmaciens interpellait le gouvernement et les tutelles pour lancer une réforme de la biologie médicale. Un Livre Blanc était proposé pour fournir une trame à cette réforme. Si le terrain et ses représentants se sont dit prêts, en haut lieu, pour l'instant c'est... un blanc.

Par Sophie HOGUIN, publié le 25 avril 2025

Réactions au livre blanc de la section G : « Le problème reste entier » ?

Le constat est unanime auprès des représentants de la profession : « La maison brûle, il y a urgence à s’intéresser à la biologie médicale ». C’était sur cette base que la section G de l’Ordre des pharmaciens lançait son cri d’alerte et son Livre Blanc le 10 avril dernier pour relancer une réforme qui devait être réfléchie en concertation en janvier 2024 – voir cet article sur la parution du Livre Blanc.

Les Biologistes Médicaux, par la parole de son président, Lionel Barrand résument ainsi la situation actuelle : « Ce livre blanc, bien qu’il soit très généraliste, et donc qu’il faille en creuser de nombreux aspects, doit surtout servir de déclencheur des états généraux de la biologie du côté des autorités : Quand s’intéresseront-ils à la biologie, en dehors de l’aspect comptable ?  »

Biologistes : Médecins, pharmaciens ou les deux ?

Cette question revient comme un serpent de mer depuis des années et des années. La particularité de cette spécialité de dépendre de deux ordres (Pharmaciens et médecins) et de deux filières de formations, si elle apporte une richesse des profils, apportent aussi beaucoup de situations ubuesques sur le terrain.

Pour Jean-Claude Azoulay, président du Syndicat des médecins biologistes (SNMB), « cette question a été beaucoup travaillé ces derniers mois. Et un accord pourrait être trouvé pour que les pharmaciens puissent être reconnus comme « médecins » moyennant un complément de formation et quelques ajustements  des droits : Ne pas aller jusqu’à une autorisation d’installation comme médecin au même titre qu’un médecin-biologiste qui aurait suivi un parcours complet par exemple mais autoriser les consultations, les prescriptions etc. »

Une médicalisation de la profession pour laquelle François Blanchecotte, président du SDBIO, milite à présent ouvertement : « Je suis moi-même pharmacien biologiste et pourtant aujourd’hui je pense qu’il faudrait sortir complètement de ce double silo « pharmacie-médecine » pour tout regrouper sous une spécialité médicale de Biologie qui ne dépendrait que d’un seul Ordre, celui des médecins. Une transition qui serait forcément longue, une dizaine d’années certainement. Mais ensuite, le statut serait beaucoup plus simple à gérer et les biologistes bien mieux reconnus. »

Une place reconnue dans les parcours de soins

C’est aussi une évidence sur le terrain que les biologistes sont « sous-utilisés » comparés à leur disponibilité, leur maillage territorial et leurs compétences. Le Livre Blanc propose de créer des « Biologistes référents », qui seraient une équivalence du médecin traitant ou de l’infirmière en pratique avancée : avec donc une compétence (et une valorisation) reconnue d’un rôle de coordinateur dans un parcours de soins et de suivi.

Lionel Barrand souligne de son côté que Les Biologistes Médicaux souscrivent à ce principe de « Biologistes référents ». Notamment pour les pathologies chroniques où le biologiste est souvent au coeur du suivi. Mais, ajoute-t-il « Tout cela doit se faire dans l’union privé-public, et nous le réaffirmons : aucun acteur en biologie ne doit être mis de côté car nous n’y arriverons que si nous transmettons les mêmes consignes à 100% de la profession. C’est dans l’intérêt des patients et des biologistes que d’avancer unis. »

Pour François Blanchecotte il faut partir des fondements de la médecine : « Ce qu’on veut c’est mieux soigner, mieux prendre en charge. A partir de là un certain nombre d’évidences viendront déjà naturellement. Et surtout, on pensera alors parcours patients, fléchage et la place du bio se construira naturellement. Si on reconnaît aux biologistes les places et les fonctions qu’ils peuvent assumer dans ce parcours alors il sera aussi plus facile de réformer leur statut, leurs droits et leurs rémunérations. Au même titre que les autres professionnels de santé. Avec un mix consultation, actes, participation à des programmes multidisciplinaires, épidémiologie etc. »

En attendant, que faire ?

Lionel Barrand rappelle que sur le terrain « nous avons de nombreuses propositions très précises et pratiques sur l’amélioration de la prévention et du dépistage de pathologies telles que le cancer du col de l’utérus, le cancer colorectal ou autres cancers, ainsi que les maladies cardiovasculaires, les maladies rénales, le diabète ou les IST, et, poursuit-il les biologistes sont prêts à mouiller la chemise sur chaque territoire, que ce soit sur le sujet de l’accès aux soins, des soins non programmés, de l’innovation, du numérique, des nouvelles missions dans la prévention et le dépistage, de l’élargissement massif de la vaccination, mais conclut-il, la balle est dans le camp de l’Etat. Nous sommes toujours en attente de textes fondateurs depuis des années. Et tout cela nécessite un investissement pour l’avenir, et non pas une destruction du système privé et public des laboratoires comme nous le subissons ces dernières années. »

De son côté François Blanchecotte, en revient au pragmatique devant l’immobilité du ministère: « Personnellement, j’ai peu confiance dans l’action et la réaction de ce gouvernement au vu des précédents. Donc nous, responsables syndicaux, représentants des biologistes dans les différentes instances qui continuent à prendre des décisions, nous devons poursuivre notre travail en gagnant des petites batailles mais qui tracent le chemin que nous pourrions prendre plus largement. Comme nous l’avons fait avec la possibilité pour les biologistes d’intégrer les ESCAP (voir cet article) et autres structures de pratiques pluridisciplinaires, comme nous avons obtenu une place de choix dans la prévention des IST avec l’opération IST sans ordo etc et, avec un travail de fond, qui parfois porte ses fruits : comme bientôt la possibilité de prescrire les dosages complémentaires pour la détection des MRC. »

En tout cas, nous confirme, Philippe Piet, président de la section G de l’Ordre des Pharmaciens, 15 jours après son appel du 10 avril, le ministère n’a pas répondu aux différentes requêtes. « Il va falloir les relancer, comme toujours« .

En conclusion ? Tous les représentants sont d’accord. « Biologistes, quel que soit votre statut aujourd’hui, il va encore falloir continuer à vous adapter aux évolutions du monde qui vous entoure et rester dynamiques et motivés pour imposer la place que vous pensez qu’il vous revient ».