Une visite pour présenter le labo aux futurs médecins

Et si un dialogue qualitatif entre cliniciens et biologistes se nouait dès le début des études de médecine ? C'est l'idée du CHU de Saint-Étienne, qui a instauré une visite obligatoire pour les étudiants en deuxième année. De quoi améliorer la qualité des prescriptions d'analyses mais aussi peut-être susciter quelques vocations.

Agnès Vernet, publié le 23 mai 2023

Une visite pour présenter le labo aux futurs médecins

On s’affaire sur le plateau de biologie médicale du CHU de Saint-Étienne. Dans les couloirs, une petite troupe en blouse blanche suit le Pr Thomas Bourlet, responsable médical du pôle de Biologie et Pathologie et chef du service des Agents Infectieux et Hygiène. Ce sont des étudiants de deuxième année de médecine (DFGSM-2) et c’est, pour la majorité d’entre eux, la toute première fois qu’ils visitent un laboratoire de biologie médicale.

Mieux comprendre l’organisation du CHU

« C’est la première année que nous organisons ça, explique le Pr Pierre Flori, PUPH et chef de l’unité Parasitologie – Mycologie. Il y avait auparavant des stages d’un mois qui étaient difficiles à organiser pendant le deuxième cycle d’études médicales. Nous l’avons remplacé par cette visite pour aider les deuxièmes années à mieux comprendre l’organisation du CHU. En plus des urgences, du pôle mère-enfants, des services de médecine, de chirurgie, d’imagerie et de psychiatrie, il était crucial de leur montrer le laboratoire. »

En ce matin de février, dix-huit futurs médecins écoutent sagement Thomas Bourlet présenter l’organisation générale des pôles du CHU et en particulier celle du pôle de Biologie Pathologie. Avant la fin de l’année universitaire, les 220 étudiants de la promotion auront assisté à cet enseignement obligatoire, en petit groupe, au cours des huit demi-journées de visite organisées à cette fin.

Ancrer de bonnes habitudes

Quand la parole passe à Pierre Flori, il insiste sur l’identitovigilance lors de la prescription, ainsi que sur l’importance de la date et de l’heure du prélèvement. De petites choses, mais qu’il faut ancrer rapidement dans le cerveau des futurs prescripteurs. Les étudiants découvrent également la notion d’urgence du point de vue du laboratoire. « Être capable de délivrer une kaliémie en moins d’une heure peut sauver la vie du patient », insiste le Pr Flori.

Lorsque les étudiants avancent vers la zone de réception, où arrivent près de 3 600 dossiers par jour, la complexité de cette opération devient tangible. « Je ne suis pas impressionné », souffle pourtant un étudiant entre le réseau de pneumatiques qui relie la plate-forme au reste de l’hôpital et les automates de pré-analytique. II reconnaît néanmoins n’avoir pas eu conscience de la complexité des différentes étapes entre un prélèvement et un résultat biologique avant cette visite.

Illustrer les expertises

La matinée de découverte se poursuit en sous-groupes. Certains partent à la recherche du laboratoire de génétique, d’autres de celui de biologie de la reproduction, situé dans le pôle mère-enfants. Les uns se dirigent vers l’hématologie, les autres vers la biochimie, l’immunologie ou la bactériologie. Les trois dernières étudiantes auront un parcours virologie, parasitologie, mycologie. Pour celles-ci, la première étape se situe au niveau de l’unité biosécurité L3. Elles regardent par la lucarne l’installation sécurisée en sous-pression qui assure pour la région les analyses sur des agents pathogènes dangereux et potentiellement contagieux, comme les mycobactéries complexes ou les Escherichia coli hautement pathogènes, mais aussi les crises, comme au début du Covid ou les cas de Monkeypox qui ont flambé cet été. Plus loin, elles discutent de ce que signifie une charge virale avec la virologue Annie Evers et feront la rencontre de Tom et Jerry, les deux automates de PCR du service. Après une pandémie de coronavirus, rien de tout cela ne surprend les jeunes visiteuses, mais elles ne cachent pas leur émotion face aux bocaux remplis d’ascaris et de tænia. Enfin, les trois étudiantes s’exercent à distinguer des têtes aspergillaires au microscope avant de rejoindre leurs camarades.

Être dans le concret

Bilan de la visite, Inona, qui est allée au laboratoire de Génétique, est contente de sa matinée : « Cela m’a permis de mieux comprendre ces pathologies. » À côté d’elle, Yanis a été impressionnée par la robotique et la surface du laboratoire. « Je ne savais pas en quoi cela consistait, qu’il y avait autant de disciplines de biologie médicale », précise-t-elle. Ces étudiants auront-ils envie de solliciter un des stages en troisième année que va proposer Pierre Flori ? Plutôt non… Yanis exprime un avis partagé par ses camarades : « C’était intéressant, mais je préfère être en contact avec les patients. » Dans ce groupe, seule Antonine est intéressée par la spécialité. Elle n’avait pas attendu cette matinée pour l’exprimer et elle profite de sa présence pour demander un stage d’observation non obligatoire. « Cette visite permet d’être dans le concret », précise-t-elle.

Le recrutement n’est toutefois qu’un objectif secondaire. « Ce que nous voulons, c’est leur faire comprendre que la biologie est médicale. Il s’agit de renforcer le dialogue entre les chirurgiens, les médecins et les biologistes », insiste le Pr Flori. Que ces futurs médecins remplissent mieux leurs prescriptions d’analyse et comprennent qu’il faut communiquer, cela serait déjà un résultat positif. « Nous l’évaluerons dans les années à venir, mais je suis confiant », conclut-il.

Une crise du recrutement

Dans son enquête publiée le 19 décembre 2022, le Syndicat National des Biologistes des Hôpitaux (SNBH) documente une fois de plus les écueils qu’affronte la profession (lire Biologiste infos n° 121 page 7). Pour 87 % des répondants, la biologie médicale hospitalière est en perte d’attractivité. 66 % des laboratoires interrogés expriment des difficultés à recruter, dont un tiers avoue chercher un biologiste depuis longtemps.

Dernier choix de l’internat de médecine, la biologie médicale peine à remplir ses postes de médecins. Depuis longtemps, la profession présente deux tiers de pharmaciens pour un tiers de médecins, une situation qui reflète bien les engagements professionnels des étudiants en médecine. En réponse, tous les représentants de la profession demandent la poursuite de la hausse du nombre de postes ouverts à l’internat de pharmacie (lettre adressée à l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé, ONDPS, en août 2022). Le ministère de la Santé et de la Prévention a rendu son arbitrage : ce sera +26 postes pour l’année universitaire 2023-24 (soit 228 postes en tout, JORF n° 0288 du 13 décembre 2022).

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