Diagnostic précoce des myocardites sous immunothérapie

A la suite d’un traitement par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire, certains patients développent une hyperactivité du système immunitaire qui va attaquer les cellules musculaires, dont le cœur et les muscles respiratoires. Des biomarqueurs ont été identifiés pour favoriser un diagnostic précoce.

Par Sophie HOGUIN, publié le 16 novembre 2023

Diagnostic précoce des myocardites sous immunothérapie

Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI) constituent une classe d’agents immuno-thérapeutiques qui influent sur l’état d’activation de certaines cellules immunitaires, les rendant plus efficaces pour tuer les cellules cancéreuses. Dans de rares cas, cela entraîne une hyperactivité du système immunitaire qui va attaquer les cellules musculaires, dont le cœur et les muscles respiratoires. Ces atteintes sont potentiellement fatales, d’où l’importance d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge adaptée en centre expert.

Une équipe de recherche mixte, composée de chercheurs du centre d’investigation clinique et de cardio-oncologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université, coordonnée par le Pr Joe-Elie Salem étudie ce type de myocardites. Ils ont publiés leurs avancées le 15 juin 2023 dans Circulation et le 26 octobre 2023 dans Nature Medicine.

Myosites et myocardites

Ce type de dommage musculaire est connu sous le nom de cardio-myotoxicité, ou de myocardite lorsqu’il implique le muscle cardiaque, ou de myosites lors qu’il implique les autres muscles. Les patients sous traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire (ICI) sont à risque de développer des myocardites, et cela survient chez moins de 1% des patients traités par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire.

Recherche de biomarqueurs

L’équipe de recherche a étudié la présence de biomarqueurs cardiomusculaires dans le diagnostic et le pronostic des myocardites survenues à la suite d’un traitement par ICI. L’équipe a étudié l’augmentation de la troponine-T (cTnT), de la troponine-I (cTnI), et de la créatine kinase (CK) chez 60 patients souffrant de myocardites ICI. L’étude a duré un an sur deux unités d’hospitalisation  (hôpitaux Pitié-Salpêtrière AP-HP et universitaire d’Heidelberg en Allemagne). Au total, 1 751 échantillons cTnT, 920 échantillons cTnI et 1 191 échantillons de créatine kinase (CK) ont été prélevés de manière sériée dans le temps durant cette année de suivi.

Diagnostic et pronostic

L’objectif de l’étude était de prédire la survenue d’événements cardiomyotoxiques indésirables majeurs (MACE) comme une insuffisance cardiaque, une arythmie ventriculaire, un bloc majeur de la conduction auriculo-ventriculaire ou d’une insuffisance des muscles de la respiratoire requérant un support ventilatoire. 24 patients sur 60 (40 %) ont développé un MACE. Dans les 72 heures suivant l’admission, les taux de cTnT étaient constamment augmentés par rapport aux limites supérieures de référence (URL), en revanche cela était plus inconsistant pour la cTnI et les CK. La cTnT était augmenté chez tous les patients au moment du premier MACE, et seulement chez environ les 3/4 pour la cTnI. Au total, la cTnT était plus sensible que la cTnI et les CK pour le diagnostic et la surveillance des patients atteints de myocardite suite à un traitement par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire.

Un seuil de cTnT > 32 fois la norme supérieure identifie un sous-groupe à très haut risque de MACE.

Les altérations du thymus sont associées à la gravité

Les investigations ont été complétée par la recherche de facteurs de risque de développer des myotoxicités sous ICI en s’intéressant au rôle du thymus dans l’émergence de cette complication. Le thymus joue un rôle essentiel dans la maturation des lymphocytes, et l’altération de la sélection des lymphocytes T auto-réactifs à l’origine des myotoxicités (dont les myocardites) sous immunothérapie.

La littérature et notamment une précédente étude1 de la même équipe a montré la gravité de plusieurs cas de myotoxicité suite à un traitement par ICI survenus chez de jeunes patients atteints de thymome (tumeur cancéreuse du thymus). L’équipe a utilisé la base de données internationale de pharmacovigilance VigiBase, l’entrepôt de données de santé de l’AP-HP et une méta-analyse d’essais cliniques, pour démontrer que le traitement par ICI chez les patients atteints de tumeurs épithéliales thymiques (TET, particulièrement les thymomes) était plus fréquemment associé à des myotoxicités que les autres types de cancers traités par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire. Par ailleurs, dans un registre international de myocardites ICI, l’équipe de recherche a établi que la myocardite est survenue plus tôt après le début du traitement chez les patients atteints de TET que chez des patients atteints d’autres cancers et qu’elle était plus grave en termes d’arythmies potentiellement mortelles et de myosite concomitante conduisant à une insuffisance musculaire respiratoire et à la mort. Ces résultats soulignent que les altérations thymiques (notamment identifiables par scanner thoracique et production d’auto-anticorps contre l’acetylcholine) sont associées à l’incidence et à la gravité des myotoxicités ICI.

Un bilan clinico-radio-biologique évaluant le thymus pourrait aider à prédire les myotoxicités ICI.

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