Maladie de Parkinson : un biomarqueur numérique non invasif pourrait favoriser le diagnostic différentiel

Une étude menée par la medtech Braintale a mis en lumière l’intérêt d’une plateforme de biomarqueurs numériques pour le diagnostic différentiel des syndromes parkinsoniens. Objectif de cette technologie : élaborer une classification efficace de ces syndromes, et plus précisément, les différencier de deux syndromes parkinsoniens fréquents et souvent confondus…

Elise Kuntzelmann, publié le 22 août 2024

Maladie de Parkinson : un biomarqueur numérique non invasif pourrait favoriser le diagnostic différentiel

Nous utilisons des biomarqueurs issus de l’imagerie médicale. Plus précisément, nous transformons, par le biais de modélisations mathématiques, les données d’imagerie en biomarqueur capable de mesurer l’intégrité de la matière blanche du cerveau. Et bien évidemment de pouvoir à terme connecter cela au devenir clinique des patients”, explique Julie Rachline, CEO et cofondatrice de la medtech BrainTale, spin-off de l’Assistance-Publique Hôpitaux de Paris.

Diagnostic différentiel

En neuroscience, l’une des difficultés de diagnostic est liée à la symptomatologie très proche pour des causes extrêmement variables“, poursuit Julie Rachline. Je pense en particulier aux tremblements caractéristiques de la maladie de Parkinson. Les « vraies » maladies de Parkinson idiopathiques concernent en réalité moins du quart des cas.”

De nombreux patients présentant des tremblements ne sont donc pas atteints de la maladie de Parkinson mais d’une atrophie multisystémique (MSA) ou d’une paralysie supranucléaire progressive (PSP), deux pathologies de la matière blanche. L’enjeu est d’éviter qu’un patient qualifié de parkinsonien et qui souffre en réalité de PSP ou de MSA, soit orienté vers un parcours de soin non adapté. Dans ce contexte, le risque est de lui proposer des traitements invasifs requérant de la chirurgie sans aucun bénéfice. Julie Rachline d’ajouter : “Ce mauvais diagnostic touche des patients dans une situation clinique déjà lourde. L’enjeu de santé publique est donc fort.

Des applications concrètes

BrainTale collabore déjà avec l’hôpital de la Pitié Salpêtrière au sein de l’APHP, avec les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et avec d’autres centres notamment aux États-Unis. “Outre-Atlantique, nous collaborons avec le Massachusetts General Hospital à Boston et avec la Miller School of Medicine de l’université de Miami”, souligne Julie Rachline. Concrètement, l’examen IRM est téléversé sur la plateforme développée par Braintale qui traite automatiquement cet « échantillon » pour en extraire les mesures pertinentes. Cette technologie, basée sur l’IRM de diffusion, mesure la microstructure de la matière blanche en caractérisant le mouvement des molécules d’eau dans le tissu cérébral. Un rapport d’analyse, sur lequel s’appuie la prise de décision médicale, est finalement rendu.

Paramètres extraits

L’analyse de la matière blanche par Braintale permet d’extraire les paramètres suivants :

  • Diffusion (Fractional Anisotropy – FA) : mesure l’intégrité des fibres nerveuses, que ce soit les lésions des axones ou de la myéline
  • Mean Diffusivity (MD) : mesure la quantité d’eau dans les tissus, reflétant la destruction cellulaire;
  • Axial Diffusivity (AD) : associé à la santé des axones;
  • Radial Diffusivity (RD) : associé à la santé de la myéline

Ce procédé, industriel, standardisé et exploitable, permet une mesure robuste de la substance blanche.

D’autres études à venir

Pour élaborer une classification efficace et robuste des syndromes parkinsoniens, et plus précisément, différencier la maladie de Parkinson de la MSA et la PSP, l’équipe de recherche de Braintale a mené une étude* sur 189 sujets présentant des symptômes parkinsoniens. L’étude a ainsi intégré 92 patients atteints de MP, 45 patients atteints de MSA et 42 patients atteints de PSP. Le traitement des données de chaque patient a permis de fournir automatiquement les marqueurs de diffusion. A partir de ces données, un modèle d’intelligence artificielle pour la classification a été entraîné puis testé. Les performances en validation atteignent une sensibilité moyenne de 90 % (± 7 %) pour une spécificité moyenne de 74 % (± 10 %). “Aujourd’hui, nous continuons d’acquérir des données sur des patients atteints de ces syndromes parkinsoniens et allons publier d’autres résultats pour conforter nos premières conclusions”, met en avant Julie Rachline.

Un outil généralisable ?

Au-delà du diagnostic différentiel de la maladie de Parkinson, le principe de la mesure de la substance blanche peut trouver sa place dans le diagnostic et le suivi d’autres pathologies. “BrainTale cible des pathologies telles que les maladies de la matière blanche comme la sclérose en plaques, les leucodystrophies ou les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Notre ambition est de proposer ce biomarqueur de la matière blanche comme une mesure systématique de suivi du l’état du cerveau, de la même manière que l’on peut suivre aujourd’hui les fonctions rénales ou cardiaques”, conclut Julie Rachline.

Rappel

La substance blanche représente plus de 60% du volume cérébral. Elle joue un rôle-clé dans le bon fonctionnement du cerveau, son développement et son vieillissement, qu’il soit normal ou pathologique. Elle constitue la partie interne du cerveau et la partie superficielle de la moelle épinière. C’est une catégorie de tissu du système nerveux central, principalement composé des axones myélinisés desneurones. Son rôle est de diffuser rapidement et efficacement les messages nerveux entre les corps cellulaires des neurones. (source wikipédia)

*L’étude a notamment fait l’objet d’une communication orale « Differential diagnosis model in parkinsonian syndromes derived from calibrated diffusion tensor imaging» lors du 10ème congrès Européen de Neurologie (European Academy of Neurology– EAN) qui s’est tenu à Helsinki du 29 juin au 2 juillet 2024.