« À l’hôpital, aujourd’hui, la biologie est considérée comme stratégique »

Biologiste infos : Quel bilan tirez-vous de cette 6e édition des JFBM, du 11 au 13 octobre dernier à Antibes ? La formule du congrès va-t-elle évoluer ?

Raphaël Bérenger : Le bilan est qualitativement et quantitativement très positif. La fréquentation est en légère hausse (550 participants contre 500 l’an dernier). Nous pensons avoir trouvé, à présent, une recette équilibrée pour ce congrès. La formule sera donc sensiblement identique l’an prochain à Troyes La Champagne du 9 au 11 octobre 2024. Les retours laissent à penser que notre succès tient justement à la variété de l’offre : une partie classique scientifique sur des innovations ou des nouveautés, une partie scientifique « pour les nuls » permettant une mise à jour des connaissances sur certaines spécialités pour des non-spécialistes – afin notamment de pouvoir assurer des permanences de soins -, un volet syndical et carrière qui se renforce avec succès et une partie exposition des partenaires. Cette dernière, très dynamique, avec de nouveaux venus qui montrent l’attrait de la biologie hospitalière, permet de découvrir les innovations techniques du moment. En parallèle, nous continuons notre ouverture vers toutes les biologies médicales, de ville en particulier et du monde francophone. C’est à l’image du nouveau bureau du SNBH où les profils sont très variés : nous allons pouvoir travailler sur de nombreux sujets, sur lesquels chacun pourra apporter sa pierre à l’édifice.

BI : Au sujet de cette ouverture aux biologistes libéraux, quelles sont vos problématiques communes ?

R. B. : Les relations ville/hôpital font partie des axes de travail prioritaires du SNBH. Aujourd’hui, plusieurs problématiques communes nous permettent d’échanger et de construire des coopérations ville/hôpital autour de la biologie médicale. En premier lieu, la désertification médicale de certains territoires oblige à une coopération avec tous les acteurs présents pour construire un maillage suffisant pour assurer l’accès aux soins et à la biologie à tous. Dans beaucoup de territoires, les solutions restent à construire. La convergence des outils numériques et informatiques est aussi un sujet qui nous réunit. Libéraux et hospitaliers sont soumis aux mêmes standards et à de nombreuses problématiques communes qui favorisent les échanges. Enfin, il n’y a pas une mais plusieurs modalités de pratique de la biologie médicale, et toutes font face au même défi de réussir à recruter et attirer suffisamment de jeunes. Et je suis convaincu que la coopération entre toutes ces biologies est un des leviers pour relever ce défi.

BI : Pourquoi y voyez-vous un sujet de coopération plutôt que de concurrence ?

R. B. : La biologie médicale n’est pas une spécialité très connue et ses différentes modalités de pratique encore moins (y compris de certains biologistes eux-mêmes). Impossible d’être attractifs si vous n’êtes pas connus ! Aujourd’hui, il faut donner de la liberté, de la mobilité entre toutes ces biologies, offrir des opportunités à tous les types de profil. À titre d’exemple, au CH de Falaise (Normandie), cela faisait deux ans que nous cherchions quelqu’un. La situation vient de se débloquer grâce à l’ouverture d’un poste hybride à temps partagé entre le CH de Falaise et le CHU de Caen. Ce genre de poste est idéal pour un jeune qui peut découvrir, d’une part, la biologie de pointe en recherche au CHU et, d’autre part, la partie soins chez nous au plus près du patient et la diversité des postes à fonction transverse (qualité, gestion des normes, management) qui ne sont pas présentés dans le cursus de formation. Ce sont des postes pour lesquels il y a de nombreuses ouvertures professionnelles grâce aux regroupements et à la mutualisation des hôpitaux. Le décloisonnement public/privé est aussi très important. Il est en marche puisque, désormais, les laboratoires de ville peuvent accueillir des internes, mais il doit se poursuivre en acceptant plus de souplesse pour permettre le passage du privé au public et vice versa, ou bien des temps partagés (public/privé) comme d’autres spécialités médicales.

BI : Vous avez évoqué la question des normes, comment abordez-vous le processus d’accréditation ?

R. B. : Le SNBH est toujours là pour continuer d’accompagner ses adhérents. La marche a été haute au début du processus d’accréditation, mais elle était nécessaire. Cela reste un sujet compliqué, car nous manquons de main-d’œuvre et de temps pour ce genre de tâche. Cependant, il va falloir implémenter la révision de la norme ISO 15189. Cela implique de revoir l’ensemble des processus et des documents. Le plus important, je pense, c’est de garder à l’esprit que les normes sont là pour aider les praticiens et non pour les freiner, en particulier en matière d’innovation. L’assouplissement du 100 % est donc un point positif, car il permet d’introduire un peu de souffle et d’agilité.

BI : À propos d’agilité, comment les biologistes hospitaliers font-ils face aux changements technologiques et à l’automatisation ?

R. B. : Les progrès technologiques et l’automatisation sont vécus positivement à l’hôpital. Ils libèrent vraiment du temps pour redonner du lien avec les patients. Tant que les biologistes restent maitres des processus, tant que ce sont eux qui programment, paramètrent et garantissent le fonctionnement de leur machine, elle reste une amie pas une ennemie.

BI : En parlant d’ennemis, la technologie en a apporté de nouveaux sous la forme de piratage ou d’intrusion informatique ; comment abordez-vous la cybersécurité ?

R. B. : les témoignages montrent que les biologistes peuvent être fortement impactés par les attaques informatiques. C’est un vrai sujet de réflexion, d’autant que toutes nos machines sont aujourd’hui connectées vers l’extérieur et qu’elles constituent autant de portes d’entrée. Toutefois, nous avons la chance de ne pas avoir à gérer cela nous-mêmes, car ces questions sont prises en charge par la DSI de l’hôpital. Cependant, les biologistes doivent réfléchir aux solutions de fonctionnement en mode dégradé en cas d’attaque, et les JFBM l’ont montré. Ce sont des choses qui se mettent en place. On le voit, par exemple, avec la certification HAS 2024 qui va intégrer la sécurité informatique dans son référentiel.

BI : Concernant le budget et l’investissement dans les machines, l’hôpital vous suit-il ?

R. B. : Aujourd’hui, la plupart des directions d’hôpital ont compris qu’il était crucial de disposer d’un plateau technique biologique de bonne qualité pour être attractif – pas seulement pour les biologistes, mais aussi pour d’autres spécialités, comme les urgences. La biologie est donc considérée comme stratégique. De plus, les fournisseurs de matériel ont fait de gros efforts pour adapter leurs offres financières aux différents modèles des hôpitaux : achat, location, mise à disposition ou encore référencement auprès des centrales d’achats pour éviter les appels d’offres. Nous ne sommes pas les plus à plaindre.