Accord triennal : la CNAM avance, seule, au détriment des biologistes et des patients

Les biologistes, privés et publics réunis, se préparent à une rentrée sous le signe de l'épreuve de force. Fermetures, grèves, toutes les actions sont envisagées faire revenir la CNAM a un positionnement raisonnable pour la profession. Un recours a été déposé au tribunal administratif contre l'accord triennal signé en 2023 sur des bases de négociation erronées. Mais, en face, la sécurité sociale semble vouloir imposer ses décisions, sans concertation, et surtout... sans analyse lucide des conséquences pour le système de santé et le parcours des patients.

Par Sophie HOGUIN, publié le 28 août 2024

Accord triennal : la CNAM avance, seule, au détriment des biologistes et des patients

Depuis juin 2024, les biologistes sont en conflit ouvert avec l’Assurance maladie (voir ce précédent article). Après une baisse importante acceptée à l’été 2023 suivie d’une nouvelle baisse en janvier, l’annonce par la CNAM d’une nouvelle baisse, encore plus importante pour cet été n’est pas passée. D’autant qu’elle fait fi de toutes les clauses de sauvegarde présentent dans le protocole d’accord de l’an dernier, qu’elle ne fait l’objet d’aucun ajustement possible et alors que les biologistes médicaux, du secteur libéral comme hospitalier alertent sur leur situation financière précaire dans le contexte d’inflation générale. “Nous sommes comme tout le monde, avec l’inflation, nos coûts d’approvisionnement en matière première, de transports, de salaires ont augmenté. La digitalisation des process de santé nous impose aussi des investissements importants en temps, en ressources humaines et financières. Pourquoi ces données sont-elles prises en compte pour toutes les professions de santé sauf pour les biologistes ?” interroge François Blanchecotte, président du SDBIO.

Des actions déjà prévues pour la rentrée

Dans leur communiqué commun du 19 août 2024, les représentants des biologistes, privés et hospitaliers, précisent que la première action face à “des baisses unilatérales, sur des estimations erronées des dépenses, et alors que les modalités de vote d’une quelconque baisse n’ont pas été respectées” ont mené au dépôt d’un recours au tribunal administratif de Paris. “Les dernières décisions prises l’ont été avec une mascarade de vote. Nous sommes notés comme votants l’abstention alors que nous n’étions pas présents puisque nous avons quitté la table des négociations au début de l’été” détaille le représentant du SDBIO. Grèves et fermetures, suspension de services sont déjà prévues pour la rentrée. “Nous ne pouvons plus rester à attendre et à supporter des coûts qui ne sont pas les nôtres” rappelle François Blanchecotte. En effet, comme le souligne le communiqué “La biologie médicale ne peut pas financer seule l’accroissement des examens biologiques qui sont prescrits, et qui est en lien avec le vieillissement de la population et les progrès médicaux.”

Les biologistes ne sont pas responsables de l’inflation des prescriptions

Nous sommes la seule profession à reverser des “surconsommations d’actes” dont nous ne pouvons même pas maîtriser les volumes, précise le président du syndicat, depuis plus de 10 ans cela représente entre 100 et 150 millions d’euros par an. La cotation des actes de biologie ne fait que baisser et la CNAM veut continuer : “En moins de deux années, cela va être 20% de baisses de cotations d’actes et le retrait même de la notion de cotation minimum.

Très souvent, on nous retoque en parlant des bénéfices faits lors de la crise Covid – Mais c’est oublier que les biologistes ont dû embaucher, s’équiper, se former, élargir leurs horaires d’ouverture, assurer des gardes – sans aucune subvention pour faire face à la crise Covid. Et surtout, c’est oublier que la crise Covid est loin maintenant.” souligne François Blanchecotte. Le communiqué de presse commun rappelle d’ailleurs que “La profession ne demande pas de financement supplémentaire, elle demande un partage juste et équitable de l’accroissement des volumes avec l’Assurance maladie.”

Le parcours patients et la qualité des soins en jeu

Au-delà de ce conflit, il y a toute une vision et une organisation de la santé qui se dessine et c’est aussi cela qui inquiètent les biologistes : “La CNAM semble vouloir une biologie industrielle alors que nous voulons préserver une biologie médicale, proche du patient, réactive et humaine. La valeur de nos actes, notre place dans le système de santé, n’est jamais évaluée. On s’attaque dogmatiquement aux biologistes, notamment privés, en regardant leur profit de manière globale, sans jamais évaluer l’apport de leur organisation, le service rendu. C’est une politique de santé qui n’a d’autre ambition que de réduire des déficits – pas d’améliorer le système de soin. Les conséquences des dernières décisions seront dramatiques en matière d’égalité des chances ville/campagne pour l’accès aux soins, pour les délais de rendus et certainement pour l’encombrement des urgences. Qui demain se déplacera dans les villages pour aller chercher un flacon d’urine, un tube de sang ? Qui assurera l’alerte d’une analyse inquiétante un vendredi soir ? Cela ne va pas se faire du jour au lendemain bien sûr, ce sera comme une lame de fond : de plus en plus de fermetures l’après-midi, voire les samedis, la disparition des laboratoires dans les “déserts médicaux”, des délais de rendus plus longs etc... Et pour finir, un parcours de soin moins efficace, des pertes de chances pour la santé“, illustre François Blanchecotte amer et en colère.

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