Les discours, les actes... et la trahison de la Sécu

Les biologistes médicaux, à l’unisson (les quatres syndicats représentatifs des laboratoires de ville et les syndicats et fédérations des hospitaliers concernés), ont signé un communiqué commun intitulé « La CNAM veut-elle faire disparaître la biologie médicale en  France ? » suite à la menace par la sécurité sociale de baisser à nouveau de 9,4% les tarifs en septembre 2024.

Par Sophie HOGUIN, publié le 31 juillet 2024

Les discours, les actes… et la trahison de la Sécu

Dans notre article sur le sujet de la financiarisation de la biologie médicale, parue suite aux auditions du Sénat, nous avions relayé les propos de Thomas Fâtome, directeur général de la CNAM, sur sa vision de l’état des lieux et des risques de faire passer le secteur de la biologie médicale entièrement sous la coupe de groupes financiers sans prise en compte de la santé publique et de l’intérêt commun…

Mais si le bilan pouvait être partagé, les décisions prises en regard semblent, elles, totalement inadaptées.

Et si, ce n’est pas l’objet habituel de nos publications de prendre parti dans les conflits politiques qui peuvent animer la profession, nous ferons cet été exception…

Privée ou publique, la finance reste court-termiste

En effet, que penser des dernières décisions de la Cnam de continuer d’étrangler la profession avec une nouvelle baisse des tarifs ?

Certainement la conséquence d’une analyse purement financière et technocratique – bref, un équivalent public de la vision court-termiste des groupes financiers tant décriés… Sans aucune vision d’ensemble des problématiques de la Santé publique, sans ambition quant à l’amélioration du parcours patient et de la potentialité d’une biologie médicale forte, stable et solide qui aurait toute sa place dans la prévention, le diagnostic et l’orientation des malades.

Trahison et défiance

D’autant que, comme le rappelle le communiqué, cette baisse s’inscrit dans un contexte déjà très tendu par :

  • l’annonce fin juin 2024 aux représentants du secteur que l’accord triennal 2024-2026 signé l’année dernière avait été construit sur des données erronées pour les dépenses 2023 et les prévisions de croissance 2024.
  • le fait que « les syndicats, pensant agir dans une relation de confiance avec les Pouvoirs Publics, ont accepté des conditions financières déjà très contraignantes sur les 3 ans, avec une baisse des tarifs de 7% en 2023, avant même le début du protocole d’accord, puis de 4% au 1er janvier 2024. »

Pour les biologistes, « la menace de la CNAM de baisser à nouveau de 9,4% les tarifs en septembre  2024 (à hauteur de 360 millions annualisés) serait le coup de grâce après les 11% consentis par la profession en l’espace d’un an, et représenterait une rupture de confiance définitive pour l’avenir. »

Des effets délétères immédiats

Si cette décision venait à être appliquée, cela mènerait inévitablement à l’inverse de l’objectif affiché dans les discours : mettre la biologie médicale française dans les mains de financiers dont la stratégie de développement ne serait portée que par les bénéfices à court terme et la rémunération des actionnaires…

Les représentants des biologistes savent déjà quelles seraient les conséquences à venir rapidement si cette décision était actée et annoncent que : « le secteur n’aura pas d’autres choix que de prendre à effet immédiat les mesures suivantes, entre autres:

  • Fermeture des sites les plus fragiles, notamment ceux des déserts médicaux, provoquant une aggravation de l’accès à une offre de santé dans ces territoires ;
  • Réduction généralisée des horaires et jours d’ouverture, notamment les après midi et fins de semaine, augmentant le temps d’accès aux prélèvements et aux comptes-rendus, et aggravant la saturation des services d’urgence hospitaliers ;
  • Réduction du personnel administratif et paramédical sur les sites, ce qui dégradera la qualité de service.”

Des biologistes qui n’ont plus de leviers d’action

La politique de la CNAM consistant à faire porter au secteur de la biologie, la hausse des dépenses de santé est d’autant plus incongrue que, comme le rappelle les biologistes :

  • « les biologistes médicaux ne sont pas responsables de l’augmentation des examens biologiques, et qu’ils sont sont dépendants des prescriptions ? ;
  • De nombreuses sociétés de biologie médicale présentaient déjà des déficits financiers en 2023, avant la baisse des tarifs de janvier 2024 ? ;
  • Les sociétés du secteur libéral ne peuvent survivre économiquement si aucun équilibre financier n’est atteignable à court et moyen terme par son activité courante ? ;
  • Les laboratoires hospitaliers manquent de moyens et ils sont également impactés par ces baisses de tarifs ? ;
  • Le secteur de la biologie médicale, qui s’est concentré comme aucun autre secteur de santé ces dix dernières années en ville et à l’hôpital, ne dispose d’aucune marge de manœuvre supplémentaire de gain de productivité par la concentration ?».

 Renégocier l’accord sur des bases réalistes et durables ?

C’est le vœu – semble-t-il pieu – des biologises qui aimeraient, pour ne pas perdre le sens de leur travail, « éviter de basculer vers un service de biologie médicale « low cost », d’un niveau de dégradation qui sera inacceptable et inédit pour les patients, comme pour les soignants. ». Des biologistes qui tendent toujours la main aux pouvoirs publics pour co-constuire la santé de demain. Encore une fin de non recevoir à l’horizon ?

Accéder au communiqué